lundi 13 juillet 2015

« Repats »: ressortissants Africains, retournez en Afrique sans hésitation, là où les conditions s'y prêtent

Cyrille Nkontchou, en 2015. 
M. Cyrille Nkontchou, un « repat », co-fondateur de Enko Capital basé Johannesburg
Ressortissants Africains n'hésitez pas une seconde un retour vers les pays d'Afrique qui le permettent (libération politique et économique aidant...). C'est incontestablement dans ce continent que se noue la prospérité mondiale des prochaines décennies. 

Contrairement à l'inconscient général répandu notamment en France où j'entendais encore dimanche 12 juillet 2015 soir sur i-télé un député européen affilié aux "Républicains-ex-UMP" - bouffis de mépris comme d'habitude - comparer la Grèce à je cite: une "économie africaine" (laquelle???); votre avenir et celui de votre descendance se réécrit (aussi) sur le continent.

Joël Didier Engo

Portrait:

Ces « repats » qui croient en l’Afrique

Par Sébastien Hervieu (Johannesburg, correspondance)
LE MONDE Le 13.07.2015 

Cyrille Nkontchou est un « repat » de la première heure. Un pionnier d’un naturel discret qui, comme quelques autres, a montré la voie à ces jeunes de la diaspora africaine, bardés de diplômes, qui délaissent aujourd’hui l’Europe et les Etats-Unis pour venir saisir les opportunités sur leur continent. Ces « repats » africains croisent en chemin des expatriés occidentaux dont la cote est inversement à la baisse dans les grandes entreprises parties à l’assaut de la « dernière frontière » du marché mondial.

Ce Camerounais, arrivé en France à 13 ans dans les bagages de ses parents appelés à l’ambassade à Paris, aurait pu confortablement poursuivre sa carrière d‘analyste financier chez Andersen Consulting. Mais dans les années 1990, il sent que son continent est « en train de basculer ». « La libération de Nelson Mandela a été comme un déclic », se souvient ce père de 47 ans. « Avec l’Afrique du Sud démocratique, une nouvelle ère s’ouvrait, comme lors de la période des indépendances pour mes parents.»

Direction alors Harvard aux Etats-Unis pour y décrocher un diplôme international MBA, puis Londres chez la banque d’affaires Merrill Lynch où il conseille les entreprises internationales sur les opportunités d’investissement en Afrique. C’est en 2000 qu’il se sent enfin prêt à sauter le pas. Ce ne sera pas Yaoundé, mais Johannesburg où se trouve la plus grande bourse du continent.
Cyrille Nkontchou tâtonne. Il lance Liquid Africa en développant d’abord une plate-forme d’accès à l’information financière sur Internet en Afrique. C’est un échec. Il réoriente sa compagnie vers l’activité de banque d’affaires, et mise alors sur le conseil aux entreprises africaines, notamment pour les aider à lever des fonds. Le financier parcourt le continent. Ecobank est l’un des premiers établissements à lui faire confiance.

« Heureusement, à partir de 2005, l’Afrique est redevenue à la mode, et nous avons eu pas mal de succès », sourit celui qui est nommé Jeune leader global en 2006 au Forum économique mondial. Méthodiquement, l’entrepreneur peut passer à l’étape suivante. Avec son frère Alain, il crée en 2007 Enko Capital qui dispose d’un fonds de capital-investissement. Grâce aux profits générés par Liquid Africa, Cyrille Nkontchou investit désormais lui-même dans quelques sociétés africaines dont il juge la rentabilité prometteuse, comme en début d’année dans une société d’assurance en Zambie pour 10 millions de dollars (9 millions d’euros).

S’il garde les yeux rivés sur les résultats financiers, il aime aussi conter l’histoire de RMG, une entreprise de produits phytosanitaires implantée en Afrique de l’Ouest. « Je me suis associé avec des anciens de Syngenta, nous avons décidé de fournir à crédit des pesticides aux paysans qui ont un faible accès au capital, puis nous leur rachetons une partie de leur récolte pour qu’ils nous remboursent. » Cyrille Nkontchou assure que 50 000 petits producteurs de cacao, maïs, riz ou encore coton bénéficient de ce système de troc moderne.

« Outre les infrastructures, dans l’énergie en particulier, l’agrobusiness est un secteur d’avenir en Afrique », assure-t-il enthousiaste. « Deux tiers des Africains vivent de l’agriculture mais les rendements n’ont pas augmenté depuis cinquante ans, s’ils doublent, le cultivateur va probablement voir son profit être multiplié par quatre ou cinq. Imaginez l’impact sur l’économie locale ! ».

Depuis son bureau situé à Sandton, le quartier d’affaires névralgique de Johannesburg, le dirigeant formule un regret : « Le capital, l’argent est là, mais il n’y a pas assez d’opportunités d’investissement sur le continent car il y a un manque d’entrepreneurs africains qui ont des projets solides », juge-t-il en réajustant ses lunettes. « C’est d’ailleurs ce paradoxe qui offre de grosses opportunités aux “repats”, ceux-ci ont l’expérience d’avoir travaillé dans des grandes entreprises, il leur suffit de se réadapter au contexte local. »

Pour pallier cette pénurie, Cyrille Nkontchou veut apporter sa contribution. Lancé en 2013, Enko Education vise à développer un réseau africain d’écoles privées accessibles à la classe moyenne émergente. « Aujourd’hui, seuls les enfants de l’élite africaine ont les moyens d’aller dans les lycées américains ou français du continent, constate-il. Nous voulons proposer pour deux à trois fois moins cher le même cursus reconnu par les universités occidentales. »

« S’appuyer davantage sur le secteur privé »

En Afrique, la concurrence est rude sur le marché de l’éducation privée. Le réseau Enko Education ne compte pour l’instant que 500 élèves répartis dans deux écoles. Une à Johannesburg et une à Yaoundé, La Gaieté, fondée il y a vingt ans par la mère de Cyrille Nkontchou. Celui-ci s’est fixé l’objectif d’accueillir 20 000 élèves dans un réseau de 45 écoles dans une trentaine de pays d’ici cinq ans.
Mais Enko Education ne favorise-t-il pas lui aussi un système scolaire africain à deux vitesses ? « C’est déjà le cas, la démographie galopante conduit à la massification de l’enseignement et à une baisse de la qualité des cours », se défend-il.

Pour celui qui a bénéficié de la gratuité du système français, mais qui a aussi dû faire un prêt pour payer ses études supérieures aux États-Unis, « soit on laisse le bateau couler avec tout le monde à son bord, soit on essaie d’en sauver une partie, c’est ce qu’on essaie de faire ».

De son expérience, Cyrille Nkontchou s’est forgé une conviction : «L’Afrique arrivera à fonctionner quand les gouvernements s’appuieront davantage sur le secteur privé qui est plus efficace dans la gestion.» Pour se justifier, il évoque le cas de l’Afrique du Sud : «Ici, l’Etat dépense quatre fois plus pour ses élèves que la moyenne en Afrique, et pourtant le pays est en queue de peloton des classements internationaux sur l’éducation. »

 Sébastien Hervieu (Johannesburg, correspondance), Le Monde.fr

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