M. Cyrille Nkontchou, un « repat », co-fondateur de Enko Capital basé Johannesburg
Ressortissants Africains n'hésitez pas une seconde un retour vers les pays d'Afrique qui le
permettent (libération politique et économique aidant...). C'est
incontestablement dans ce continent que se noue la prospérité mondiale
des prochaines décennies.
Contrairement à l'inconscient général
répandu notamment en France où j'entendais encore dimanche 12 juillet 2015 soir sur i-télé
un député européen affilié aux "Républicains-ex-UMP" - bouffis de mépris
comme d'habitude - comparer la Grèce à je cite: une "économie
africaine" (laquelle???); votre avenir et celui de votre descendance se réécrit (aussi) sur le continent.
Joël Didier Engo
Portrait:
Ces « repats » qui croient en l’Afrique
Par Sébastien Hervieu (Johannesburg, correspondance)
LE MONDE Le 13.07.2015
Cyrille Nkontchou est un « repat » de la première heure. Un pionnier
d’un naturel discret qui, comme quelques autres, a montré la voie à ces
jeunes de la diaspora africaine, bardés de diplômes, qui délaissent
aujourd’hui l’Europe et les Etats-Unis pour venir saisir les
opportunités sur leur continent. Ces « repats » africains croisent en
chemin des expatriés occidentaux dont la cote est inversement à la
baisse dans les grandes entreprises parties à l’assaut de la « dernière
frontière » du marché mondial.
Ce Camerounais, arrivé en France à
13 ans dans les bagages de ses parents appelés à l’ambassade à Paris,
aurait pu confortablement poursuivre sa carrière d‘analyste financier
chez Andersen Consulting. Mais dans les années 1990, il sent que son
continent est « en train de basculer ». « La libération de Nelson
Mandela a été comme un déclic », se souvient ce père de 47 ans. « Avec
l’Afrique du Sud démocratique, une nouvelle ère s’ouvrait, comme lors de
la période des indépendances pour mes parents.»
Direction alors
Harvard aux Etats-Unis pour y décrocher un diplôme international MBA,
puis Londres chez la banque d’affaires Merrill Lynch où il conseille les
entreprises internationales sur les opportunités d’investissement en
Afrique. C’est en 2000 qu’il se sent enfin prêt à sauter le pas. Ce ne
sera pas Yaoundé, mais Johannesburg où se trouve la plus grande bourse
du continent.
Cyrille Nkontchou tâtonne. Il lance Liquid Africa
en développant d’abord une plate-forme d’accès à l’information
financière sur Internet en Afrique. C’est un échec. Il réoriente sa
compagnie vers l’activité de banque d’affaires, et mise alors sur le
conseil aux entreprises africaines, notamment pour les aider à lever des
fonds. Le financier parcourt le continent. Ecobank est l’un des
premiers établissements à lui faire confiance.
« Heureusement, à
partir de 2005, l’Afrique est redevenue à la mode, et nous avons eu pas
mal de succès », sourit celui qui est nommé Jeune leader global en 2006
au Forum économique mondial. Méthodiquement, l’entrepreneur peut passer à
l’étape suivante. Avec son frère Alain, il crée en 2007 Enko Capital
qui dispose d’un fonds de capital-investissement. Grâce aux profits
générés par Liquid Africa, Cyrille Nkontchou investit désormais lui-même
dans quelques sociétés africaines dont il juge la rentabilité
prometteuse, comme en début d’année dans une société d’assurance en
Zambie pour 10 millions de dollars (9 millions d’euros).
S’il
garde les yeux rivés sur les résultats financiers, il aime aussi conter
l’histoire de RMG, une entreprise de produits phytosanitaires implantée
en Afrique de l’Ouest. « Je me suis associé avec des anciens de
Syngenta, nous avons décidé de fournir à crédit des pesticides aux
paysans qui ont un faible accès au capital, puis nous leur rachetons une
partie de leur récolte pour qu’ils nous remboursent. » Cyrille
Nkontchou assure que 50 000 petits producteurs de cacao, maïs, riz ou
encore coton bénéficient de ce système de troc moderne.
« Outre
les infrastructures, dans l’énergie en particulier, l’agrobusiness est
un secteur d’avenir en Afrique », assure-t-il enthousiaste. « Deux tiers
des Africains vivent de l’agriculture mais les rendements n’ont pas
augmenté depuis cinquante ans, s’ils doublent, le cultivateur va
probablement voir son profit être multiplié par quatre ou cinq. Imaginez
l’impact sur l’économie locale ! ».
Depuis son bureau situé à
Sandton, le quartier d’affaires névralgique de Johannesburg, le
dirigeant formule un regret : « Le capital, l’argent est là, mais il n’y
a pas assez d’opportunités d’investissement sur le continent car il y a
un manque d’entrepreneurs africains qui ont des projets solides »,
juge-t-il en réajustant ses lunettes. « C’est d’ailleurs ce paradoxe qui
offre de grosses opportunités aux “repats”, ceux-ci ont l’expérience
d’avoir travaillé dans des grandes entreprises, il leur suffit de se
réadapter au contexte local. »
Pour pallier cette pénurie,
Cyrille Nkontchou veut apporter sa contribution. Lancé en 2013, Enko
Education vise à développer un réseau africain d’écoles privées
accessibles à la classe moyenne émergente. « Aujourd’hui, seuls les
enfants de l’élite africaine ont les moyens d’aller dans les lycées
américains ou français du continent, constate-il. Nous voulons proposer
pour deux à trois fois moins cher le même cursus reconnu par les
universités occidentales. »
« S’appuyer davantage sur le secteur privé »
En Afrique, la concurrence est rude sur le marché de l’éducation
privée. Le réseau Enko Education ne compte pour l’instant que 500 élèves
répartis dans deux écoles. Une à Johannesburg et une à Yaoundé, La
Gaieté, fondée il y a vingt ans par la mère de Cyrille Nkontchou.
Celui-ci s’est fixé l’objectif d’accueillir 20 000 élèves dans un réseau
de 45 écoles dans une trentaine de pays d’ici cinq ans.
Mais
Enko Education ne favorise-t-il pas lui aussi un système scolaire
africain à deux vitesses ? « C’est déjà le cas, la démographie galopante
conduit à la massification de l’enseignement et à une baisse de la
qualité des cours », se défend-il.
Pour celui qui a bénéficié de
la gratuité du système français, mais qui a aussi dû faire un prêt pour
payer ses études supérieures aux États-Unis, « soit on laisse le bateau
couler avec tout le monde à son bord, soit on essaie d’en sauver une
partie, c’est ce qu’on essaie de faire ».
De son expérience,
Cyrille Nkontchou s’est forgé une conviction : «L’Afrique arrivera à
fonctionner quand les gouvernements s’appuieront davantage sur le
secteur privé qui est plus efficace dans la gestion.» Pour se
justifier, il évoque le cas de l’Afrique du Sud : «Ici, l’Etat dépense
quatre fois plus pour ses élèves que la moyenne en Afrique, et pourtant
le pays est en queue de peloton des classements internationaux sur
l’éducation. »
Sébastien Hervieu (Johannesburg, correspondance), Le Monde.fr
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