mercredi 20 juin 2018

"Non, les demandeurs d'asile ne sont pas un fardeau pour les économies européennes"


Une étude du CNRS montre "que le critère économique ne peut pas peser dans la décision d’accueillir ou non des réfugiés".

 

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Hippolyte d’Albis, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris (PSE), vient de démontrer avec deux collègues que les demandeurs d’asile n’étaient pas un "poids" économique pour les pays développés. Explications.

Vous avez essayé de mesurer l’impact des demandeurs d’asile et des flux migratoires sur le PIB par habitant d’une quinzaine de pays européens. Comment avez-vous travaillé? 
 
Nous avons utilisé un modèle nourri des statistiques de 15 pays sur 31 ans, de 1985 à 2015. En regardant les fluctuations économiques sur cette période avec des données très fournies, nous avons dégagé des règles. C'est une approche nouvelle de la question migratoire en économie. Et les tendances sont très claires. 

Quelles sont-elles? 

Nous avons distingué deux phénomènes : les flux migratoires (c’est-à-dire l’augmentation de la population non liée à la natalité, ce qui peut comprendre par exemple l’Allemand qui vient travailler en France, l’époux ou l’épouse étranger d’un Français, le demandeur d’asile régularisé) et les demandes d’asile. Et nous trouvons deux résultats très intéressants L’impact des flux migratoires sur l’économie est nettement positif, beaucoup plus que ce que nous pensions. Il n’y a pas d'ambiguïté. Et l’effet est immédiat sur l’économie. 

Exemple, avec un migrant pour 1.000 habitants, le PIB augmente en moyenne de 0,17% par habitant immédiatement et cela monte jusqu’à 0,32% en année 2. Le taux de chômage, lui, baisse de 0,14 point. Nous avons été surpris par la netteté de ces résultats. 

Et l'impact des demandes d’asile?

L’effet des demandeurs d’asile est aussi assez net. On pourrait penser, comme ils ne peuvent pas travailler quand ils arrivent, pendant qu’on instruit leur dossier, qu’ils pèsent sur la croissance par habitant ou qu’ils coûtent de l’argent aux finances publiques. Eh bien, pas du tout ! L’effet est légèrement positif, très proche de zéro. On ne peut donc pas dire qu’accueillir les demandeurs d’asile soit un fardeau économique  pour les pays européens. 

Pour vous donner une idée de ce que l’on mesure, les flux migratoires ont représenté en moyenne sur 30 ans en France 1,14 personne pour 1.000 habitants. Les demandeurs d’asile, 0,68 personne pour 1.000 habitants. Cela n’augmente pas beaucoup dans la période récente. Dans certains pays, comme le Portugal ou le Royaume-Uni, la proportion est même en baisse.

Quelles conclusions en tirez-vous? 

Que le critère économique ne peut pas peser dans la décision d’accueillir ou non des réfugiés, puisque l’effet est soit neutre, soit positif.

Propos recueillis par Sophie Fay

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