lundi 14 septembre 2020

Migrants : qu'est-ce que le camp de Lesbos qualifié de «tragédie immense» par l'ONU ?

 

FOCUS - Ravagé par un énorme incendie, ce camp qui abrite plus de 12.000 migrants sur l'île grecque de Lesbos, est surnommé «la jungle».

Le Figaro

La France s'est engagée à accueillir une centaine de migrants du camp de Moria sur l'île de Lesbos qui a été ravagé par deux incendies. D'après le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, «une tragédie immense» se joue sur cette île grecque. De quoi s'agit-il, comment est-ce arrivé ? Retour sur la situation de ce camp surnommé «la jungle» et qualifié de «honte pour l'Europe entière» par des ONG.

 
  • Un camp situé très près des côtes turques

Le camp de Moria est situé sur l'île grecque de Lesbos, en mer Égée. Cette grande île (85.000 habitants) est séparée des côtes turques, visibles à l'œil nu, par 4 kilomètres de mer. Cette proximité avec la Turquie en a fait l'une des principales portes d'entrées des migrants en Europe.

  • Un centre d'enregistrement administratif vite débordé

Le camp de Moria est l'un des cinq centres établis dans les îles grecques de la mer Égée. Ouvert en 2013 sur un site militaire désaffecté, il a été construit pour accueillir environ 2200 personnes. À l’époque, il sert de centre d'enregistrement administratif («hotspots») pour quelques centaines de migrants. Les demandeurs d'asile ne faisaient que passer, le temps de s'enregistrer, faisant de Moria qu'une halte sur leur route vers l'Europe du Nord. Deux ans plus tard, en 2015, dans le sillage de la guerre en Syrie, Lesbos voit affluer plus de 450.000 demandeurs d'asile en un an. Pour freiner les arrivées en mer Égée, un accord est signé entre Ankara et l'UE en mars 2016. L'île grecque devient alors peu à peu un goulet d'étranglement pour les exilés qui continuent d'arriver. En ce début du mois de septembre 2020, au moment où des incendies ont ravagé le camp, quelque 12.700 demandeurs d'asile, dont 4000 enfants, occupaient Moria. C'est quatre fois sa capacité d'accueil.

  • Des dizaines de nationalités dont une majorité d'Afghans

Ce sont les Afghans (à 75%) qui composent la majorité de ce camp. Après viennent des Syriens, des Congolais et des Iraniens. Ces demandeurs d'asile attendent des mois, certains des années, le verdict des services d'immigration pour savoir s'ils sont autorisés à gagner le continent et poursuivre leur procédure en vue d'une éventuelle relocalisation dans un pays membre, ou s'ils sont renvoyés en Turquie.

  • Insalubrité, détresse et violences

Dans ce camp surpeuplé, les conditions de vie décrites sont insalubres et très rudimentaires. Fin février, l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) parlait d'une toilette pour plus de 100 personnes, de sacs d'ordures jonchant les allées du centre, des coupures d'électricité fréquentes. Selon une autre ONG, «on ne trouve qu'un seul point d'eau pour 1500 personnes». Avant les incendies, la plupart des nouveaux arrivants vivaient dans des abris de fortune établis dans une oliveraie proche. Aux conditions d'hygiène déplorables, s'ajoute la violence. Prostitution, agressions sexuelles, disparitions de mineurs, trafics de drogue et bagarres se produisent quasi quotidiennement dans ce camp où des dizaines d'individus ont été poignardées, se sont suicidés, ou sont morts brûlés dans leurs tentes. De janvier à fin août 2020, cinq personnes ont été poignardées dans plus de 15 attaques.

  • Un confinement sans fin

Depuis mi-mars, le gouvernement grec a imposé de strictes mesures de confinement aux camps des cinq îles de la mer Egée, dont celui de Moria. Mais les précautions élémentaires face à la pandémie, comme la distanciation sociale, sont impossibles à appliquer en raison de la surpopulation. Le gouvernement grec a prolongé au moins cinq fois le confinement dans les camps de migrants. Début septembre, la Grèce a annoncé un premier cas de Covid-19 à Moria, décrétant une nouvelle «mise en quarantaine» du camp jusqu'au 15 septembre. Le gouvernement grec a laissé entendre que les feux - cinq incendies successifs mardi 8 et mercredi 9 septembre - qui ont ravagé le camp, auraient été déclenchés volontairement par des demandeurs d'asile souhaitant quitter l'île. Une enquête est d'ailleurs en cours pour déterminer la cause des incendies.

  • A la rue en attendant un nouveau camp en construction

Depuis ces incendies, les demandeurs d'asile du camp sont sans abri. Leurs conditions de vie, déjà déplorables, se sont encore dégradées. «Des milliers de gens dorment à la dure sur les collines autour de Moria et dans les rues, et la tension entre les habitants de l'île, les demandeurs d'asile et la police augmente», a selon l'ONG Human Rights Watch. Les autorités locales tentent de mettre en place des solutions d'urgence. Depuis samedi, 300 personnes ont été installées dans un nouveau camp mis en place dans un ancien champ de tir appartenant à l'État, à trois kilomètres du port de Mytilène, chef-lieu de l'île.

Un camp temporaire a été mis en place dans un ancien champ de tr appartenant à l'État grec.
Un camp temporaire a été mis en place dans un ancien champ de tr appartenant à l'État grec. LOUISA GOULIAMAKI / AFP

Signe que la tension est toujours très forte : des heurts ont éclaté samedi avec la police lors d'une manifestation de migrants qui veulent quitter cette île. Un nouveau camp devrait être prêt «dans cinq jours», promettent les autorités grecques. De son côté, l'Union européenne a pris en charge le transfert de 400 mineurs non accompagnés vers le continent. La France - entre autre pays - devrait en accueillir une centaine d'ici à la fin du mois de septembre.

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