vendredi 9 mars 2012

Témoignage par «twits» sur une rétention administrative au Centre du Mesnil-Amelot

Par SYLVAIN MOUILLARD, Libération.fr

Greffier de sa propre rétention. Depuis quatre jours, Gil Ndjouwou Moutimba raconte sur Twitter son expérience de sans-papiers arrêté, placé en rétention au centre n°2 du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), et sous le coup d'une menace d'expulsion vers le Gabon. Un témoignage sans fioritures - presque clinique - assorti de quelques impressions plus personnelles et d'une pointe d'humour.

 
@SoloNecrozis, son pseudo sur le site de microblogging, offre un regard inédit sur les conditions de vie dans les centres de rétention administrative (CRA), un univers opaque où seules quelques associations ont le droit de se rendre. D'après la Cimade, présente au Mesnil-Amelot, c'est la première fois qu'une personne menacée d'expulsion témoigne en direct de l'ambiance qui y règne.

«Au début, c'était juste pour tenir mes amis au courant, précise Gil Ndjouwou Moutimba, ancien étudiant en fac de droit et de psychologie, et qui souhaite désormais suivre un BTS communication. Puis j'ai essayé d'alerter des gens influents [comprendre des journalistes, ndlr].» Avec son téléphone portable, auquel il a accès deux heures par jour, puis grâce à l'ordinateur de la Cimade, il donne son point de vue. «Le CRA est très loin de l'image négative qu'on peut en avoir, juge-t-il. On ne peut rien reprocher aux policiers. On m'a tout expliqué, quelles sont les démarches à suivre, c'est vraiment complet.»

Si le récit est nouveau, l'histoire de Gil Ndjouwou Moutimba, elle, est très classique. Mardi, alors qu'il rentre à Reims où il réside, il est arrêté juste après un péage sur l'autoroute A4. Le jeune homme de 23 ans n'est pas en mesure de présenter des papiers en règle aux gendarmes. «Je suis arrivé en France le 20 septembre 2008 avec un visa étudiant de trois mois, puis un titre de séjour jusqu'en septembre 2009, explique-t-il. Mais je n'ai pas pu le renouveler, faute de garanties nécessaires, notamment financières.»

Depuis, il est donc hors-la-loi. «On pense toujours à l'arrestation, mais plus le temps avance, plus on se dit qu'on va réussir à passer entre les mailles du filet», confie-t-il. Après sept heures de garde à vue au commissariat de Chelles, Gil Ndjouwou Moutimba est conduit au CRA du Mesnil-Amelot, à quelques encablures de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.

Vendredi matin, 10 heures, changement de décor. Nous sommes au tribunal administratif de Melun. L'escorte policière qui doit conduire les sans-papiers dont les dossiers vont être examinés par le juge des libertés et de la détention a du retard. «Ils ont oublié un prévenu au CRA», glisse un avocat. «En ces temps d'élection, les dossiers s'accumulent. La matinée va être chargée», ajoute une de ses collègues.

«Je suis libre depuis un quart d'heure»

L'audience s'ouvre finalement avec une heure et demie de retard. Gil Ndjouwou Moutimba entre dans la salle, accompagné d'un sans-papiers algérien - dix ans de présence en France -, d'un musicien de jazz ivoirien, qui se dit menacé dans son pays d'origine car il est de l'ethnie bété, celle de Laurent Gagbo, et d'un jeune Turc de 22 ans. 1,85 m, lunettes design, pull cintré, le jeune Gabonais est sur la réserve. Moins à l'aise que sur Twitter. Les mots employés à l'audience sont durs, des avenirs se jouent.

Une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) a été notifiée à l'étudiant, qui la conteste. C'est cet appel qui sera examiné par la juge. Elle commence par exposer les faits. Selon la préfecture, «l'expulsion est fondée». Maître Jacques Maynard, l'avocat de permanence qui a pris connaissance de l'épais dossier de son client la veille, est pessimiste.

Gil Ndjouwou Moutimba n'a pas pu produire de documents attestant de ses études en France ou de sa vie conjugale. «Ma copine, avec qui je vis depuis deux ans, a dû avoir un gros imprévu. Elle m'a dit qu'elle devait les envoyer hier», explique le jeune Gabonais. Avec 48 heures pour monter leur défense, les sans-papiers ont parfois beaucoup de mal à réunir la documentation nécessaire. L'avocat commence sa plaidoirie. «Mon client est un intellectuel, il veut arriver à quelque chose. Il n'a pas le profil pour se cacher et ne veut pas se mettre en défaut.»

Peu après 13 heures, la juge suspend l'audience. Il est temps pour elle d'examiner précisément les dossiers avant de rendre sa décision. 15 heures, le fil Twitter de @SoloNecrozis reprend vie. Avec une nouvelle positive pour son auteur : «Je suis libre depuis un quart d'heure. [...] Je n'ai cependant pas "gagné" de carte de séjour pour autant. Beaucoup reste à faire.»

Source: liberation.fr

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