jeudi 18 avril 2013

France: multiplication des expulsions des étrangers liées aux ruptures de la vie commune


Source: http://carredinfo.fr


Dimanche 24 mars au matin, Eyek Awantchok, Camerounais de 34 ans, a été reconduit vers le Cameroun, son pays alors qu’il s’apprêtait à passer devant le juge. Le titre de séjour de ce père de famille n’a pas été renouvelé suite à une affaire familiale. Son employeur a alerté les autorités, en vain. Il raconte des conditions d’arrestation et de rétention « humiliantes ».
Bosseur et intégré
Eyek, camerounais de 34 ans, se trouve au centre de rétention de Cornebarrieu depuis près dun mois. En décembre dernier la préfecture na pas renouvelé son titre de séjour. Il se trouve donc en situation irrégulière et impossible pour lui de travailler. Lhomme a entamé au début de sa rétention une grève de la faim et affirme au téléphone voir perdu près de quinze kilos. «Quand je lai vu dans cet état, cela ma fait vraiment de la peine», affirme Elsa, son ancien employeur dune agence dintérim qui a cessé de faire appel à ce peintre en bâtiment depuis quil na plus de papier. Cest la première fois quelle se bat pour défendre un ancien employé. « On a souvent des problèmes avec les intérimaires, certains ne sont que pour les aides mais Eyek est carré, bosseur et il sest parfaitement intégré », assure-t-elle.
« Je ne défends pas une cause, je le défends lui. Je peux comprendre les renvois, quil soit difficile daccueillir tout le monde mais pour lui je ne comprends pas. Il sest parfaitement intégré, il aime la France, il a sa fille ici, pour moi il est Français. »
Elsa a découvert dans la presse sa présence à Cornebarrieu. Elle a alors appelé la préfecture, la mairie de Toulouse, la Cimade pour tenter déviter quil ne soit expulsé vers le Cameroun. « Je ne défends pas une cause, je le défends lui, poursuit-elle. Je peux comprendre les renvois, quil soit difficile daccueillir tout le monde mais pour lui je ne comprends pas. Il sest parfaitement intégré, il aime la France, il a sa fille ici, pour moi il est Français.»


Un divorce qui met fin au droit de séjour
Eyek Anwantchok dit être arrivé en France en 2003. En 2005 il se marie et est aujourd’hui papa d’une petite fille de 6 ans. En 2010 le divorce est prononcé ainsi que la garde partagée de l’enfant. « De janvier à mars 2011 jai retourner au Cameroun (où se trouve encore sa mère NDLR). Jai prévenu la mère de ma fille et je me suis arrangé avec elle concernant la garde. A mon retour, elle avait fait un recours pour dénoncer mon absence et dire que je ne moccupais pas de mon enfant », affirme-t-il. Le jugement en appel lui a finalement accordé un droit de visite. C’est ce motif que la préfecture aurait mis en avant selon lui pour refuser la prolongation de son titre de séjour. Eyek ne comprend pas. «Jai toujours travaillé, jai montré toutes mes fiches de paye, jai un appartementJai montré tout ça mais ils ne veulent rien entendre », lâche-t-il.


« Un camp de torture »
Joint au téléphone samedi 23 mars, l’homme raconte son arrestation et sa rétention qu’il qualifie de «camp de torture». « J’ai été arrêté alors que je circulais en voiture. C’était très musclé, on m’a plaqué au sol, ils m’ont fait mal et ça m’a traumatisé. Au centre de rétention on nous traite de ‘chiens’, on nous dit ‘vous sentez mauvais’. C’est une humiliation. »
«Ils mont menotté, ligoté et mis un casque de boxeur sur la tête. Dans lavion jai crié.»
Le 19 mars dernier, il a été embarqué dans un avion pour le Cameroun. «On ma réveillé à 4 heures du matin, sans me prévenir auparavant. En raison de ma grève de la faim je suis classé ensituation sensibleet les policiers disent quils nont pas à me prévenir. Ils mont menotté, ligoté et mis un casque de boxeur sur la tête. Dans lavion jai crié. Les policiers me tenaient à la gorge et me donnait des coups de poing dans le ventre », raconte-t-il. Lexpulsion naura finalement pas lieu, le pilote demandant à ce quil soit descendu pour pouvoir décoller. «On ma dit que javais eu de la chance de tomber sur ungauchiste. »Reprendre des forces pour de nouveau crier
Ce lundi 25 mars, Eyek doit être selon la procédure présenté à nouveau devant un juge. Mais il a toujours peur d’être expulsé. La veille même, il confiait : « A tout moment ils peuvent venir. Si je dois retourner là-bas, je ne sais pas ce que je vais faire. Je n’ai pas de maison, pas même de chambre chez ma mère. Ma fille est ici. Ce n’est pas possible de faire ma vie là-bas». Quand elle est allée lui rendre visite, Elsa son ancien employeur dit lui avoir apporté des gâteaux et du jus de fruits. « Pour qu’il reprenne des forces et qu’il puisse à nouveau crier dans l’avion et que le pilote refuse de l’embarquer. S’il est trop faible, c’est sûr il va partir.»


Un cas classique
Selon son ancien employeur et la Cimade, Eyek Anwatchok a été finalement expulsé dimanche 24 mars au matin. « Selon ses compagnons de chambre cela s’est bien passé au centre de rétention. Mais beaucoup moins à l’aéroport où il aurait reçu des coups après avoir résisté», explique Lionel Claus de la Cimade. Selon le militant de la Cimade, Eyek a fait part de sa volonté d’effectuer une visite médicale à son arrivée au Cameroun.
Son cas est selon lui «malheureusement un grand classique» , la rupture de vie commune est « très souvent utilisée» pour refuser une prolongation d’un titre de séjour. «Dans les faits on se rend compte qu’il y a comme une période probatoire de deux ans et s’il y a une rupture de vie commune, la personne perd quasiment tous ses droits. Elle n’a pas le droit au divorce et finalement il vaut mieux pour elle rester en couple même si elle ne s’entend plus avec le conjoint» , affirme Lionel Claus. La prolongation de rétention devait être décidée devant le juge des libertés ce lundi 25 mars. Pour lui, «ce n’est pas fortuit».
Contactée, la préfecture de Haute-Garonne n’a pas donné suite à notre sollicitation.

Par Bertrand Enjalbal, carreinfo.fr, 25 mars 2013

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