France: vers un ensauvagement du traitement des étrangers?
"Incroyable...mais vrai"...comme le disent si bien les Camerounais.
Y compris pour nous qui combattons l'arbitraire judiciaire et carcéral
dans ce pays d'Afrique Équatoriale, jamais nous avons été saisi sur la détention (appelée en France rétention) de mineurs, à fortiori
étrangers, de 03 et 06 ans par la police des frontières camerounaise,
dont les parents (Français) étaient légalement installés au Cameroun.
Assiste-t-on
- à force de brandir une menace d'invasion imaginaire de la France par
des hordes de noirs africains (le fameux appel d'air) - à un
ensauvagement du traitement administratif des étrangers dans ce pays (la
France) qui s'est pourtant toujours voulu et revendiqué plus "civilisé"?
Andréane et Fanta ont séjourné
respectivement 4 et 5 jours dans la Zone d'attente aéroportuaire de
Roissy. Le Défenseur des droits lance deux enquêtes.
Après la gestion chaotique de l'évacuation des clandestins de La Chapelle,
une autre affaire agite les associations de défense des migrants.
L'indignation est d'autant plus grande qu'il s'agit cette fois-ci
d'enfants. Une fillette française de 6 ans et une autre, ivoirienne, de 3
ans, ont été retenues chacune quatre à cinq jours en zone d'attente de
l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, avant de retrouver leurs parents
et la liberté.
Andréane, 6 ans, a la nationalité française.
Scolarisée au Cameroun où elle vit avec sa grand-mère, la fillette
venait voir sa mère, française également, qui vit dans le Val-d'Oise, à
l'occasion des vacances, a précisé l'avocate de cette dernière, Sidonie
Leoue. Lorsqu'elle arrive à l'aéroport, après avoir voyagé toute seule
depuis Yaoundé, les policiers qui contrôlent son identité considèrent
que la photo de son passeport ne lui correspond pas. Sur décision du
parquet, une procédure est ouverte pour «usurpation d'identité». Elle
est alors conduite en zone d'attente pour personnes en instance (ZAPI),
où sont habituellement placés les clandestins qui ne sont pas admis à
entrer en France. Au sein de cette ZAPI existe une sorte de nurserie de
six lits gérée par la Croix rouge avec une permanence 24h sur 24. Sous
l'autorité de la Police aux frontières (PAF), les mineurs y sont
accueillis dans des locaux ad hoc, avec du personnel spécialement formé.
Il a fallu quatre jours pour qu'elle soit libérée,
la petite fille reconnaissant sans hésitation sa maman à l'aéroport et
au tribunal de Bobigny, où elle comparaissait mardi. Elle a aussi pu
nommer sa maîtresse et ses camarades de classe sur une photo scolaire.
Le juge a souligné que «l'ensemble des éléments du dossier» contredisait
la version policière du faux passeport. Sa mère, Isabelle, a témoigné
sur BFMTV: «On nous a traité comme des moins que rien.». De son côté,
l'avocate de la famille ne «voit pas le moindre motif» qui justifierait
le traitement réservé à la petite fille. «Elle arrive en France, et elle
est accueillie par la police, elle avait l'air traumatisée, confie Me
Sidonie Leoue sur RTL. L'avocate compte désormais demander des
dommages-intérêts à l'Etat et la restitution des papiers.
La petite ivoirienne, Fanta, est elle arrivée
samedi à l'aéroport et n'a été libérée que jeudi, sur décision du juge
des libertés et de la détention (JLD), ont expliqué son père et son
avocate. Le maintien d'un enfant aussi jeune, isolé de ses parents, en
ZAPI, est exceptionnel, a précisé une source impliquée dans le dossier.
Fanta, 6 ans, retenue cinq jours
Le 6 juin, à 17 heures, un homme de nationalité
ivoirienne débarque à l'aéroport de Roissy dans un vol en provenance
d'Istanbul. Lui, a ses papiers en règles, mais, sur le passeport et la
carte de déplacement pour mineurs de la petite fille, la photo ne
correspond pas. Les papiers sont faux. Dans ce genre de cas, les
policiers pensent aussitôt au risque d'enlèvement. Le papa supposé est
donc placé en garde à vue, tandis que la petite est placée dans la Zone
d'attente aéroportuaire pour mineurs. En effet, en aucun cas un étranger
mineur non accompagné ne peut pénétrer sur le territoire français sans
papiers. Selon le Réseau Education sans frontières,
la petite Fanta «originaire d'une région où l'excision des filles est
fréquente», fuyait son pays pour échapper à son sort. La fillette était
accompagnée de son père, qui habite en France et est muni de papiers
italiens. «Qui n'aurait pas fait comme [ce père] dans la même situation,
sachant que l'obtention pour faire venir Fanta aurait pris des années, à
supposer que cela ait finalement été possible?», interroge
l'association dans un communiqué.
«Les policiers voulaient comprendre pourquoi ce
monsieur voyageait avec un enfant sans autorisation de séjour», explique
à Médiapart l'administrateur qui a ordonné le placement de Fanta. En
garde à vue, l'homme a rapidement su prouver son lien de parenté avec la
petite. Il a obtenu un droit de visite, dont il a fait usage. La seule
alternative aurait été de placer la petite fille dans une famille
d'accueil, où son père n'aurait pas pu lui rendre visite. D'après une
source proche de l'affaire, le parquet a motivé sa décision par le fait
qu'une autre mineur parlant le même dialecte que l'enfant était aussi
présente dans la zone d'attente, ce qui lui évitait d'être seule et
incapable de communiquer. En 2014, environ 200 mineurs auraient transité
par cette zone.
Le Défenseur des droits a été saisi pour les deux affaires.
Il devra déterminer si toutes les procédures ont été respectées, et si
l'intérêt supérieur de l'enfant a été respecté. L'institution, dirigée
par l'ex-ministre Jacques Toubon, recommande par ailleurs «la fin des
privations de liberté à la frontière pour tous les mineurs isolés
demandeurs d'asile quelle que soit leur nationalité, et leur admission
sur le territoire en vue d'un placement aux fins d'éclaircir leur
situation individuelle», plutôt que de les laisser en Zapi. Il
présentera «de nouveau cette proposition à la lumière de ces nouveaux
incidents», lors du prochain examen à l'Assemblée du projet de loi sur
l'asile.
Les délais de présentation devant un juge des
libertés ont été rallongés en 2003 (loi Sarkozy sur l'immigration
clandestine), passant de 48h à cinq jours. Une décision interprétée par certaines associations d'aide aux sans-papiers
comme une façon d'expulser les migrants avant de les juger. Ceci
expliquerait que Fanta ait du patienter cinq jours avant d'être libérée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire