Elles n’en démordent pas : l’évacuation du campement de migrants de la Chapelle, dans le nord de Paris, et l’opération de relogement qui a suivi, a été exemplaire. Quatre jours plus tard, la préfecture de police et la mairie de Paris continuent à ressasser leurs éléments de langage, en dépit d’une réalité bien moins flatteuse. Depuis 72 heures, près d’une centaine de migrants, parmi lesquels des femmes enceintes et des nourrissons, errent dans Paris. Accrochés à leurs basques, CRS et gendarmes mobiles n’ont qu’un objectif : les forcer à se disperser et empêcher la reformation d’un nouveau squat.

Eglise Saint Bernard, Paris XVIII, le jeudi 4 juin 2015
Les suites de l'évacuation du campement de la Chapelle mardi dernier.
Dès mardi soir et suite à des confusions dans l'organisation de l'assistance promise par la préfecture aux personnes, environ 70 sans papiers se sont retrouvés à nouveau dans la rue. Ils sont naturellement retournés près du campement. Lâchés dans la nature, dont certains dans des hotel F1 de banlieue au beau milieu de zones industrielles à plus de 40' du métro, plusieurs personnes

Mercredi et jeudi, la partie s’est jouée près d’un lieu chargé de symboles : l’église Saint-Bernard, à quelques encablures de la bande de bitume sur laquelle les migrants avaient dormi, dans des tentes, plusieurs mois durant. Dix-neuf ans après l’expulsion du lieu de culte par les CRS de Jean-Louis Debré, avec «humanité et coeur», il n’était pas question pour les autorités de laisser faire. Jeudi soir, il est 19h30 passé, quand plusieurs dizaines de personnes, migrants et militants, tentent de pénétrer dans l’édifice. Un colosse au crâne rasé vêtu d’un blouson Lonsdale barre l’entrée : «L’église, elle est fermée.»

Les renforts rappliquent en vitesse, à la demande de la mairie de Paris. Certains sont particulièrement agités. Un berger allemand, muselière autour de la gueule, saute sur ce qui bouge. Un flic se lâche : «Vous sortez ou vous allez dans les mosquées.» La foule reflue vers le square tout proche. Près de 150 personnes dormiront là, à même le sol. A mots couverts, certains associatifs déplorent la stratégie «dangereuse» de quelques militants politiques qui se sont greffés au mouvement. «C’est stupide d’essayer d’entrer dans l’église, il était évident que les policiers ne laisseraient pas faire.»

Eglise Saint Bernard, Paris XVIII, le jeudi 4 juin 2015
Les suites de l'évacuation du campement de la Chapelle mardi dernier.
Dès mardi soir et suite à des confusions dans l'organisation de l'assistance promise par la préfecture aux personnes, environ 70 sans papiers se sont retrouvés à nouveau dans la rue. Ils sont naturellement retournés près du campement. Lâchés dans la nature, dont certains dans des hotel F1 de banlieue au beau milieu de zones industrielles à plus de 40' du métro, plusieurs personnes
Eglise Saint Bernard, Paris XVIII, le jeudi 4 juin 2015
Les suites de l'évacuation du campement de la Chapelle mardi dernier.
Dès mardi soir et suite à des confusions dans l'organisation de l'assistance promise par la préfecture aux personnes, environ 70 sans papiers se sont retrouvés à nouveau dans la rue. Ils sont naturellement retournés près du campement. Lâchés dans la nature, dont certains dans des hotel F1 de banlieue au beau milieu de zones industrielles à plus de 40' du métro, plusieurs personnes

Les migrants, originaires d’Afrique de l’ouest et des pays de la Corne (Ethiopie, Erythrée, Soudan), n’ont rien pour s’abriter. Leurs tentes et certains de leurs effets personnels ont été détruits après l’évacuation du campement de la Chapelle. La faim en tenaille certains. Mais ils s’en accommodent. C’est ce que raconte Mahari, Erythréen de 32 ans : «Le manque de nourriture, ce n’est pas le plus important. Ce qu’il nous faut, c’est des papiers.» L’homme, ancien étudiant en éducation et psychologie, raconte les allers-retours entre la préfecture et un centre administratif pour demandeurs d’asile. Il ne comprend pas. «Apparemment, nos noms ne sont pas sur la liste.»

Pas de «solution miracle» pour les gens à la rue

Cette fameuse liste, c’est celle élaborée la semaine passée par les services de l’Etat (préfecture, Ofpra) et certaines associations (France Terre d’Asile, Emmaüs Solidarité). Elle est censée donner à tous ceux y figurant une solution de relogement «individuelle» : centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, hôtels pour les autres. En réalité, plusieurs personnes pourraient avoir été oubliées dans le décompte. D’autres, absentes au moment de l’expulsion impromptue du campement, n’ont pas été prises en charge. Certaines, enfin, ont décidé de quitter les hôtels où elles étaient hébergées pour quelques nuits. Isolées, en grande banlieue, sans argent ni nourriture, elles ont préféré revenir à Paris, où le réseau associatif, au moins, permet de subvenir aux besoins de base.

A la préfecture de police, on assure avoir traité toutes les personnes avec une approche «humaine et individuelle». Patrice Latron, directeur de cabinet du préfet, affirme qu’une centaine de personnes supplémentaires ont été «mises à l’abri» mardi dernier, bien qu’elles ne figuraient pas sur la liste initiale. Au total, ils seraient 461 à avoir été «pris en compte». «Toute personne souhaitant demander l’asile peut le faire en préfecture», assure-t-il. Mais il écarte la possibilité de recourir à une nouvelle procédure accélérée : «Il faut que les gens se présentent individuellement.» En attendant, doit-il admettre, il n’y a pas de «solution miracle» pour les gens à la rue. La préfecture semble n’avoir qu’un objectif : «Limiter l’installation des campements illégaux» et «évacuer».
Eglise Saint Bernard, Paris XVIII, le jeudi 4 juin 2015
Les suites de l'évacuation du campement de la Chapelle mardi dernier.
Dès mardi soir et suite à des confusions dans l'organisation de l'assistance promise par la préfecture aux personnes, environ 70 sans papiers se sont retrouvés à nouveau dans la rue. Ils sont naturellement retournés près du campement. Lâchés dans la nature, dont certains dans des hotel F1 de banlieue au beau milieu de zones industrielles à plus de 40' du métro, plusieurs personnes
Eglise Saint Bernard, Paris XVIII, le jeudi 4 juin 2015
Les suites de l'évacuation du campement de la Chapelle mardi dernier.
Dès mardi soir et suite à des confusions dans l'organisation de l'assistance promise par la préfecture aux personnes, environ 70 sans papiers se sont retrouvés à nouveau dans la rue. Ils sont naturellement retournés près du campement. Lâchés dans la nature, dont certains dans des hotel F1 de banlieue au beau milieu de zones industrielles à plus de 40' du métro, plusieurs personnes
Eglise Saint Bernard, Paris XVIII, le jeudi 4 juin 2015
Les suites de l'évacuation du campement de la Chapelle mardi dernier.
Dès mardi soir et suite à des confusions dans l'organisation de l'assistance promise par la préfecture aux personnes, environ 70 sans papiers se sont retrouvés à nouveau dans la rue. Ils sont naturellement retournés près du campement. Lâchés dans la nature, dont certains dans des hotel F1 de banlieue au beau milieu de zones industrielles à plus de 40' du métro, plusieurs personnes
Eglise Saint Bernard, Paris XVIII, le jeudi 4 juin 2015
Les suites de l'évacuation du campement de la Chapelle mardi dernier.
Dès mardi soir et suite à des confusions dans l'organisation de l'assistance promise par la préfecture aux personnes, environ 70 sans papiers se sont retrouvés à nouveau dans la rue. Ils sont naturellement retournés près du campement.

Eglise Saint Bernard, Paris XVIII, le jeudi 4 juin 2015
Les suites de l'évacuation du campement de la Chapelle mardi dernier.
Dès mardi soir et suite à des confusions dans l'organisation de l'assistance promise par la préfecture aux personnes, environ 70 sans papiers se sont retrouvés à nouveau dans la rue. Ils sont naturellement retournés près du campement.

Un objectif de nouveau mis en application ce vendredi. En début d’après-midi, les forces de l’ordre interrompent la distribution des repas dans le square devant l’église Saint-Bernard. Escortés par des dizaines de gendarmes mobiles, les migrants sont dirigés vers le métro la Chapelle. A la stupéfaction de la foule, ils entreprennent de faire monter les migrants dans les rames arrivant à quai. Par petites grappes, les voilà poussés dans le métro. L’idée : les faire partir, plus loin, et ainsi les disperser.

«On va les encager»

La foule résiste, bloque les portes avec des vêtements. Fin temporaire de l’opération et retour sur le boulevard. Un temps, les migrants sont parqués le long d’une grille. «On va les encager», dit un gendarme. Un autre, dépité, soupire : «Si la préfecture pouvait nous dire quoi faire, ça serait bien. C’est un peu le bordel.» La requête n’a que peu d’effets. Un homme est interpellé après un début d’échauffourée avec un automobiliste.

Le cortège se met ensuite en route vers un gymnase tout proche. Une trentaine de personnes parvient à y pénétrer. Les gendarmes les sortent un par un, manu militari. Un gars noir fait un malaise. Il est 19 heures, et le face-à-face, stérile, se poursuit. En anglais, un flic tente une médiation : «Partez, dispersez vous sans revenir à l’église Saint-Bernard, et on vous laisse.» 

En face, les migrants répondent en scandant «Freedom, freedom !» («Liberté !»). Ils promettent de continuer à manifester tant que leurs dossiers ne seront pas examinés. Certains brandissent un tract. En anglais, en arabe et en français, on y lit ce message : «Nous sommes des personnes pacifiques ; Nous sommes des demandeurs d’asile ; Nous demandons des papiers ; Nous voulons que nos droits soient respectés.»


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