Voici dans son intégralité l'interview accordé sur le sujet au Quotidien Libération du 18 septembre 2013, par Pierre Henry, directeur général de l’association France Terre d’Asile
«Le rejet industriel des demandes de naturalisation est terminé»
Une
hausse de 14% en un an : après le passage du très
restrictif Claude Guéant au ministère de l’Intérieur, les
naturalisations sont reparties à la hausse. Pierre Henry, directeur
général de l’association France Terre d’Asile, salue les
mesures prises par Manuel Valls dans ce dossier.
Comment jugez-vous l’action du ministre de l’Intérieur en matière d’accès à la nationalité française ?
La politique de naturalisation avait été très
impactée par les circulaires du gouvernement précédent. Rappelons
qu’entre 2002 et 2011, six lois durcissant les conditions d'accès
avait été votées. Cela avait abouti à une forme de soupçon et à
une chute brutale - près de 40% - des naturalisations, ainsi qu’à
un examen très arbitraire des dossiers. Nous ne sommes plus dans la
période des rejets industriels des demandes, comme c’était le cas
en 2010-2011. Des tas de dossiers étaient ajournés au prétexte
qu’une personne, vivant en France depuis des années, n’avait pas
payé une taxe d’habitation dix ans plus tôt. On ne peut donc que
se féliciter des annonces de Manuel Valls et de la remontée des
chiffres, même si ça partait de très bas.
Quelles mesures vous semblent positives ?
Il y a eu plusieurs avancées : les étrangers qui
viennent de pays francophones et qui ont un diplôme universitaire
sont désormais exonérés du test de langue. Idem pour les personnes
âgées qui sont en France depuis un certain temps [il faut avoir
au moins 60 ans, ndlr]. Ce sont de très bonnes choses. Par
ailleurs, un résultat insuffisant au test de langue ne sera plus
éliminatoire, et le délit de chômage n’empêchera plus d’accéder
à la nationalité.
Manuel Valls aurait-il pu aller plus loin ?
Valls se situe dans une tradition républicaine
classique, où la naturalisation est le moyen privilégié pour
accéder au droit de vote et à la pleine citoyenneté. Une question
de fond demeure : ce dossier doit-il relever du ministère de
l’Intérieur ? Pour moi, ça n’a rien à voir avec une question
de police. La procédure doit aussi être unifiée sur l’ensemble
du territoire. Les plates-formes régionales, testées à Nancy,
Besançon et Beauvais, sont un premier pas intéressant.
A lire aussi notre reportage
à Nancy où les postulants à la naturalisation font désormais
face à des membres de la société civile.
Il faut savoir qu’auparavant, les décisions
finales étaient prises par un service central de naturalisation, pas
par les préfets, en fonction de l’ambiance locale. Or, on sait
aujourd’hui qu’il est plus facile d’obtenir la nationalité
française dans un département rural qu’en Seine-Saint-Denis. Je
préférerais que l’on passe par la loi pour régler ces questions,
et non par des décrets. Je comprends cependant la crainte du
gouvernement de porter ce dossier devant le Parlement, compte tenu
des risques d’instrumentalisation politique.
Recueilli par Sylvain Mouillard
Liberation.fr
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