En Afrique, le seul pays atteignant encore aujourd'hui 7 enfants par femme est le Niger.
afp.com/Mujahid Safodien
Lors du G20, Emmanuel Macron a estimé qu'il était difficile de stabiliser l'Afrique quand la natalité était "encore de 7 à 8 enfants par femme". Une démographe analyse les propos du chef de l'Etat.
Les propos d'Emmanuel Macron ont choqué. Invité à s'exprimer sur le développement de l'Afrique lors du sommet du G20
à Hambourg le 8 juillet, le chef de l'Etat a estimé, entre autres:
"Quand des pays ont encore aujourd'hui 7 à 8 enfants par femme, vous
pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez
rien".
Dans
son discours, Emmanuel Macron a également également cité d'autres
problématiques qui touchent le continent, comme "la route des trafics,
multiples, qui nécessitent des réponses en termes de sécurité" ainsi que
"le terrorisme islamiste". Pour plusieurs médias étrangers, ces
déclarations sont apparues racistes et démontrent "une vision
colonialiste" de la France. Clémentine Rossier, démographe, professeure à
l'Institut de démographie et de socioéconomie de l'Université de Genève
et chercheure associée à l'Institut National d'Etudes Démographiques à
Paris, analyse ces propos.
En tant que démographe, que pensez-vous des propos d'Emmanuel Macron?
Déjà le chiffre de 7 ou 8 enfants est faux. Selon l'ONU,
entre 2010 et 2015 la fécondité en Afrique était en moyenne de 4,7
enfants par femme. En moyenne, car les situations sont très diverses. En
Afrique australe,
la région la plus développée du continent, on compte en moyenne 2,5
enfants par femme, en Afrique du Nord, 3,1. Le Rwanda, le Kenya ou
encore l'Ethiopie ont aussi connu des baisses rapides. La fécondité de
ce dernier pays est ainsi passée de 5,5 à 4,6 enfants entre 2000 et
2016. Le seul pays dépassant encore 7 enfants par femme est le Niger,
une exception.
Et y a-t-il une spécificité des colonies françaises?
Oui,
c'est dans les pays colonisés par la France, au passé pro-nataliste,
que les taux de natalité sont les plus importants aujourd'hui. En
Afrique de l'Est et Australe, colonisé essentiellement par les Anglais,
les programmes de planification familiale ont été plus nombreux, plus
efficaces et ont doté d'importants moyens. Il est également important de
noter les différences entre les populations les plus privilégiées des
villes qui ont majoritairement des petites familles de 3 enfants,
contrairement aux régions rurales.
Quelles sont les projections pour les prochaines années?
La
population africaine est estimée à 1,2 milliard de personnes en 2015,
soit 16% de la population mondiale. Il reste le seul continent avec une
fécondité si élevée. Et selon les projections moyennes de l'ONU, il y
aura 4,4 milliards d'Africains en 2100, soit 39% de la population
mondiale, et cela alors même que ces projections intègrent le fait que
la fécondité des femmes africaines va diminuer à deux enfants en moyenne
d'ici là.
Pourquoi la natalité moyenne baisse partout dans le monde, mais pas en Afrique?
Les
raisons sont multiples: absence de politique de planification familiale
forte, une dimension culturelle et un système de valeurs qui fait que
dans ces pays dont l'organisation sociale est coutumièrement basée sur
le lignage, avoir une grande famille est valorisé, mais aussi car ce
continent regroupe la majorité des pays pauvres du monde.
Globalement, c'est le développement socio-économique qui favorise la baisse de la natalité. Car l'agriculture
de subsistance, que l'on trouvait dans les pays européens il y a deux
siècles et que l'on retrouve aujourd'hui en Afrique, nécessite d'avoir
des enfants. Ils ne coûtent pas cher, et en l'absence de services
éducatifs et sanitaires, leur coût est encore moins élevé. Mais au fur
et à mesure que le développement socio-économique décolle, que les
structures d'éducation et de santé se mettent alors en place, les
familles doivent investir dans les enfants. Or, si l'on veut investir
correctement dans chacun d'eux, il faut faire moins d'enfant.
Tous
les gouvernements africains, ou presque, sont donc convaincus que
maîtriser sa natalité est important. Mais évoquer la natalité en même
temps que les trafics et la menace terroriste, comme le fait Emmanuel
Macron, n'est pas une bonne piste. Cela laisse penser que la démographie
est une dimension fondamentale et centrale du développement économique,
ce qui n'est pas le cas.
Quel rôle joue donc la démographie dans le développement de l'Afrique?
La
fécondité est l'un des facteurs, mais pas son moteur. Les études
actuelles montrent que la baisse de la fécondité peut accélérer la
vitesse du développement économique et social, mais ce n'est pas son
unique condition. La diminution de la natalité peut jouer uniquement si
des investissements dans l'éducation sont réalisés en amont, que le
marché de l'emploi est florissant, que la croissance économique est en
route.
Dans certaines régions, on a assisté à ce cercle vertueux, entre éducation, emploi et baisse de la natalité. C'est le cas en Asie du Sud-Est
où 30% de la croissance économique a pu être directement imputée au
fait que les familles aient eu moins d'enfant, ce que l'on a appelé le
Dividende démographique. Mais en Amérique latine, au contraire, la
baisse de la fécondité n'a pas entraîné le même gain en termes de
développement parce que les autres facteurs n'étaient pas au
rendez-vous. Le cercle vertueux ne s'est pas mis en place.
Quels sont donc les autres facteurs de ce développement?
L'éducation,
la santé, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, le
développement de l'industrie, de l'énergie, d'une agriculture moderne,
de l'emploi... Dans les régions rurales de l'Afrique, on manque encore
de routes, d'électricité. Ce sont des chantiers énormes et les bases
mêmes d'un développement qui restent à poser. De plus, ce développement
devra être durable et lutter contre les conséquences du changement
climatique.
La démographie africaine est-elle finalement une chance ou un risque?
Justement,
on ne sait pas. La croissance exponentielle de la population va-t-elle
mettre en péril les modestes avancées que connaissent certains pays?
Impossible à dire. Le Burkina a par exemple vu sa population passer de 6
millions en 1975 à 18 millions en 2015, et elle atteindra 30 millions
en 2030. Vu les lenteurs du développement, on a du mal à imaginer
comment ce pays va pouvoir trouver une activité à tous ces jeunes,
d'autant que son potentiel agricole est peu élevé.
La situation
démographique future du Niger, au bord du désert, avec encore 7 enfants
par femme, fait également peur. Mais c'est déjà ce que disait Malthus il
y a plus de deux siècles, confronté au boom de population qui a fait
suite à la baisse de la mortalité en Europe, lorsque la fécondité
n'avait pas encore diminué. Et l'histoire lui a donné tort.
Décryptage
Le planning familial, angle mort de l’aide au développement de la France
Malgré
le discours d’un engagement en faveur des droits des femmes, Paris
investit peu dans la santé maternelle et infantile des pays à forte
croissance démographique.
La forte croissance démographique de l’Afrique reste l’un des freins à
son développement : c’est ce qu’a voulu rappeler le président français,
Emmanuel Macron, en marge du sommet du G20 à Hambourg, le 8 juillet, en
répondant à une question d’un journaliste ivoirien sur l’aide consentie par les pays industrialisés « pour sauver l’Afrique ». « Quand
des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider
d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. » Cette
affirmation a aussitôt suscité la controverse et une avalanche de
réactions sur les réseaux sociaux dans lesquelles le chef de l’Etat se
fait étriller pour avoir osé donner son avis sur un sujet sur lequel,
selon ses détracteurs, il n’aurait pas à s’exprimer.
Lire aussi :
« C’est aux femmes africaines de décider combien elles veulent d’enfants, quand et avec qui »
Ce plaidoyer d’Emmanuel Macron en faveur d’une démographie maîtrisée
est d’autant plus surprenant que la France est loin d’être à la pointe
de l’aide au développement en faveur des politiques de planning familial
et de santé maternelle et infantile.
En 2015, la France a investi 1,44 % de son aide au développement
dévolue à l’Afrique dans les droits sexuels et reproductifs. Si, en
chiffres absolus, cela représente 47 millions de dollars (40 millions
d’euros), un montant relativement élevé, c’est un pourcentage faible.
Sur les vingt-cinq membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE
qui ont financé des politiques de population en Afrique, la France
arrive en 16e position.
Grands premiers, les Etats-Unis dépensent 29 % de leur aide au
développement à destination de l’Afrique pour les droits sexuels et
reproductifs. Les leaders européens sont les Pays-Bas, le Royaume-Uni,
la Suède et l’Irlande, qui investissent autour de 5 %.
« On détourne toujours la conversation »
Paris n’a d’ailleurs envoyé aucun membre de son gouvernement au
sommet Family Planning 2020 qui se tenait le 11 juillet à Londres. Ce
partenariat mondial, lancé en 2012, a pour objectif de fournir une
contraception moderne à 120 millions de femmes supplémentaires d’ici à
2020, principalement dans les pays en voie de développement, dont
l’Afrique. Plusieurs ministres européens s’y sont rendus pour signifier
leur soutien, moral et financier, dans l’autonomisation des femmes.
Deux fonctionnaires français étaient présents, mais ni déclaration
officielle ni engagement financier n’étaient à l’ordre du jour. Et la
discrétion de la France n’est pas passée inaperçue. Catherine Giboin,
chargée de la santé sexuelle et reproductive pour Médecins du monde,
déclare : « Ce que je trouve problématique, c’est que la stratégie
de la France sur les droits et la santé sexuelle et reproductive est
politiquement forte, mais l’engagement financier derrière est faible. »
Pour Neil Datta, secrétaire du Forum parlementaire européen sur la
population et le développement (EPF), un réseau qui fait du plaidoyer en
faveur du droit des femmes, déplore : « La France s’est plusieurs
fois déclarée championne des droits des femmes, mais quelle que soit la
couleur politique du gouvernement, l’aide apportée aux pays en voie de
développement est très modeste. Quand j’essaie d’aborder ces questions
en France, on détourne toujours la conversation sur les succès du pays,
comme la lutte contre le sida et le changement climatique. »
Lire aussi :
Des ONG dénoncent la baisse de l’aide publique au développement annoncée par Gérald Darmanin
Bénédicte Jeannerod, directrice du bureau parisien de Human Rights
Watch (HRW) regrette que le nouveau gouvernement n’ait pas adopté une
position forte sur les droits sexuels et reproductifs. « Je ne sais pas si on peut faire un parallèle avec l’annonce de la baisse de l’aide publique au développement (APD), poursuit-elle, mais cela envoie deux mauvais signaux sur des sujets clés en peu de temps. »
En effet, lundi 10 juillet, Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, annonçait dans un entretien au Parisien que le budget de l’APD serait tronqué de 141 millions d’euros pour contribuer à la réduction du déficit français.
Alors que l’ONU préconise depuis les années 1970 que les pays
investissent 0,7 % de leur revenu national brut dans les aides publiques
au développement, la France n’était qu’à 0,38 % en 2016. Bien loin du
Danemark, du Luxembourg, de la Norvège et de la Suède, qui avaient
atteint et dépassé cet objectif dès les années 2000, et ont amorcé une
vraie politique d’aide au développement à destination des femmes.
Cédéao: objectif de trois enfants maximum par femme d'ici 2030
Les parlementaires de la Communauté économique des Etats d'Afrique de
l'Ouest (Cédéao, 15 pays), de la Mauritanie et du Tchad ont affirmé
samedi vouloir limiter à trois le nombre d'enfants par femme afin de
faire baisser de moitié, d'ici 2030, le taux de fécondité le plus élevé
au monde.
Les parlementaires de la Communauté économique des Etats d'Afrique de
l'Ouest (Cédéao, 15 pays), de la Mauritanie et du Tchad ont affirmé
samedi vouloir limiter à trois le nombre d'enfants par femme afin de
faire baisser de moitié, d'ici 2030, le taux de fécondité le plus élevé
au monde.
"Les parlementaires de la Cédéao, de la Mauritanie et du Tchad ont convenu que, d'ici 2030, les parlements devaient inciter les gouvernements à mettre en place des politiques tendant à faire en sorte que chaque femme (...) ait au plus trois enfants pour maîtriser le boom démographique", a déclaré le président du Parlement burkinabè, Salifou Diallo, lors d'une rencontre régionale sur la démographie samedi à Ouagadougou.
Avec un taux de fécondité général de 5,6 enfants par femme, le plus élevé au monde, la population de l'espace Cédéao se situera, en 2050, autour d'un milliard d'habitants, dont la moitié sera constituée de jeunes, selon les Nations unies.
"Nous estimons que quand on a des taux de croissance économique des pays qui est de l'ordre de 5 à 6% avec un taux de fécondité située à 6 ou 7%, nous sommes dans une situation de démographie non maîtrisée et nous ne pouvons pas espérer de développement avec une telle situation", a martelé M. Diallo.
Selon lui, "il est urgent de contenir la poussée démographique dans l'espace Cédéao pour promouvoir un réel développement viable et durable".
Les parlementaires devraient, dans leurs Etats respectifs, adopter des stratégies afin de "faciliter un déclin rapide, volontaire, de la fécondité grâce à l'accès universel à la planification familiale, l'augmentation du niveau d'éducation des femmes et le renforcement des efforts pour améliorer la survie de l'enfant", a ajouté M. Diallo.
De son côté, le président du Parlement du Bénin, Adrien Houngbédji, a estimé que "c'est à (nous) qu'il appartient de définir l'équilibre optimal qu'il est indispensable de trouver entre la régulation des naissances et l'amélioration de la qualité de vie de la population active".
Il s'agira de faire "baisser de moitié" le taux de fécondité et d'"arrimer le taux de croissance démographique, trop fort, avec le taux de croissance économique trop modéré", a déclaré le président de la commission de la Cédéao, Marcel De Souza.
"La jeunesse représente les deux tiers de la population. Cette jeunesse, lorsqu'elle ne trouve pas de solutions, devient une bombe: elle traverse le désert ou la Méditerranée, meurt par milliers pour l'immigration clandestine", a-t-il ajouté.
Avec AFP
"Les parlementaires de la Cédéao, de la Mauritanie et du Tchad ont convenu que, d'ici 2030, les parlements devaient inciter les gouvernements à mettre en place des politiques tendant à faire en sorte que chaque femme (...) ait au plus trois enfants pour maîtriser le boom démographique", a déclaré le président du Parlement burkinabè, Salifou Diallo, lors d'une rencontre régionale sur la démographie samedi à Ouagadougou.
Avec un taux de fécondité général de 5,6 enfants par femme, le plus élevé au monde, la population de l'espace Cédéao se situera, en 2050, autour d'un milliard d'habitants, dont la moitié sera constituée de jeunes, selon les Nations unies.
"Nous estimons que quand on a des taux de croissance économique des pays qui est de l'ordre de 5 à 6% avec un taux de fécondité située à 6 ou 7%, nous sommes dans une situation de démographie non maîtrisée et nous ne pouvons pas espérer de développement avec une telle situation", a martelé M. Diallo.
Selon lui, "il est urgent de contenir la poussée démographique dans l'espace Cédéao pour promouvoir un réel développement viable et durable".
Les parlementaires devraient, dans leurs Etats respectifs, adopter des stratégies afin de "faciliter un déclin rapide, volontaire, de la fécondité grâce à l'accès universel à la planification familiale, l'augmentation du niveau d'éducation des femmes et le renforcement des efforts pour améliorer la survie de l'enfant", a ajouté M. Diallo.
De son côté, le président du Parlement du Bénin, Adrien Houngbédji, a estimé que "c'est à (nous) qu'il appartient de définir l'équilibre optimal qu'il est indispensable de trouver entre la régulation des naissances et l'amélioration de la qualité de vie de la population active".
Il s'agira de faire "baisser de moitié" le taux de fécondité et d'"arrimer le taux de croissance démographique, trop fort, avec le taux de croissance économique trop modéré", a déclaré le président de la commission de la Cédéao, Marcel De Souza.
"La jeunesse représente les deux tiers de la population. Cette jeunesse, lorsqu'elle ne trouve pas de solutions, devient une bombe: elle traverse le désert ou la Méditerranée, meurt par milliers pour l'immigration clandestine", a-t-il ajouté.
Avec AFP
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