Le
projet de loi sur l’asile et l’immigration présenté mercredi en conseil
des ministres prévoit de doubler la durée d’enfermement des étrangers
en attente d’expulsion.
LE MONDE
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Les étrangers en attente d’être expulsés du territoire français vont-ils devoir patienter jusqu’à trois mois dans des centres de rétention ? Le projet de loi sur l’immigration présenté mercredi 21 février en conseil des ministres, prévoit de passer de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours la durée maximale d’enfermement dans des centres de rétention administrative (CRA).
Vingt-quatre centres répartis en métropole et outre-mer
Les centres de rétention administrative sont des bâtiments surveillés par la police ou la gendarmerie, dans lesquels sont retenus des étrangers en situation irrégulière qui font l’objet d’une procédure d’« éloignement forcé » (expulsion), mais qui ne peuvent pas quitter immédiatement la France. Comme le précise le ministère de l’intérieur, un CRA n’est pas une prison, car la privation de liberté a été décidée par l’administration et non par un juge, c’est pourquoi on parle de « rétention » et non de « détention » ou « d’emprisonnement ».Les personnes qui s’y trouvent peuvent circuler librement dans le bâtiment, disposent de chambres collectives, d’une cantine et d’un téléphone pour cinquante personnes. Plusieurs associations d’aide aux étrangers y sont officiellement autorisées (la Cimade, France terre d’asile, Forum réfugiés, l’Ordre de Malte, l’Assfam, Solidarité Mayotte) et peuvent rendre compte de la situation sur place. L’ensemble des chiffres ci-dessous sont tirés de leur rapport annuel.
Vingt-quatre centres de rétention sont répartis sur tout le territoire français, dont cinq en Ile-de-France et quatre outre-mer, pour une capacité de 1 823 places. A cela s’ajoutent 231 places dans vingt-six locaux de rétention administrative plus petits.
46 000 étrangers enfermés, dont la moitié outre-mer
En 2016, les associations ont comptabilisé exactement 45 937 étrangers passés dans un centre ou un local de rétention, dont près de la moitié outre-mer. Dans son rapport annuel, la Cimade explique que le nombre d’enfermements a baissé de 13 % en métropole en raison de l’état d’urgence, qui a conduit à réaffecter des policiers à d’autres missions, alors qu’il augmentait de 15 % outre-mer. La plus grosse activité a été enregistrée à Pamandzi, sur l’île de Mayotte, qui a vu défiler près de 20 000 étrangers en un an, dont la plupart ne restent que quelques heures avant d’être expulsés. Le centre de Coquelles, dans le Pas-de-Calais, a accueilli 3 000 personnes, la plupart issues des campements démantelés à Calais.7,5 % de femmes et 4 507 enfants
La plupart des étrangers en attente d’expulsion sont des hommes, les femmes ne représentant que 7,5 % de la population des CRA. En dépit des condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme, les associations ont déploré la présence de 182 enfants privés de liberté dans les centres de rétention de la métropole en 2016, dont 92 avaient moins de 5 ans. Ce chiffre, réduit drastiquement à partir de 2012 – c’était une promesse du candidat Hollande –, n’a cessé d’augmenter au cours de son quinquennat.A Mayotte, où le flux migratoire en provenance des Comores est très élevé, le centre de rétention administrative ne fournit pas d’indication sur le nombre de femmes retenues, mais 4 325 enfants y ont transité en 2016.
Des situations différentes selon le pays d’origine
Les Maghrébins sont de loin les plus nombreux dans les CRA de métropole : Algériens, Marocains et Tunisiens représentent près d’un tiers des étrangers enfermés. Ils ne sont pourtant pas les premiers à être expulsés. Ce sont les Albanais et les Roumains qui sont le plus systématiquement renvoyés vers leur pays.Moins de la moitié d’étrangers finalement expulsés
Le passage par un centre de rétention administrative ne conduit pas systématiquement à une procédure d’expulsion, tant s’en faut. En 2016, parmi les 23 000 personnes qui ont été enfermées, moins de 9 500 ont finalement été expulsées, dont près de la moitié vers un autre pays de l’Union européenne. Il s’agit alors soit de leur pays d’origine, soit du premier pays de l’UE dans lequel elles étaient arrivées et où elles doivent présenter une demande d’asile en vertu de la procédure de Dublin. En théorie, ces dernières ne devraient pas être enfermées.Seule une toute petite minorité des étrangers retenus (3,7 %, soit moins de 800 personnes) est libérée en raison de l’expiration du délai légal de quarante-cinq jours.
Une moyenne de 12,7 jours, très variable selon les CRA
La durée maximale de rétention n’a cessé d’être allongée depuis la création de la rétention administrative : de sept jours en 1981, douze en 1998, puis trente-deux en 2003 et désormais quarante-cinq jours depuis 2011. Pourtant, la plupart des étrangers voient leur sort réglé en bien moins longtemps. La durée moyenne du séjour en CRA est de 12,7 jours en 2016, un chiffre stable depuis 2011. Et les associations insistent sur le fait que la grande majorité des expulsions sont prononcées au cours des dix premiers jours. Elles estiment qu’allonger la durée de rétention reviendrait à « faire subir une privation de liberté bien trop longue au regard de l’efficacité recherchée ».
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