mercredi 12 septembre 2018

Non, l’Afrique subsaharienne ne va pas « envahir » l’Europe

Une étude publiée par l’INED invalide la thèse d’une « ruée vers l’Europe » de la population d’Afrique subsaharienne en 2050.

« Des centaines de millions de Noirs vont envahir l’Europe » (Résistance républicaine), «Invasion migratoire africaine, Macron accélère la fin de la France » (Riposte laïque), De nombreux médias d’extrême droite et identitaires répètent la thèse du « grand remplacement » de la civilisation européenne par les immigrés, développée par Renaud Camus. Ils se sont appuyés dernièrement sur un livre publié en février 2017 par le journaliste Stephen Smith, intitulé La Ruée vers l’Europe.

Pourquoi c’est exagéré

Une étude publiée mercredi 12 septembre dans Population et sociétés, la revue de l’Institut national d’études démographiques (INED) bat en brèche ces thèses alarmistes prédisant que l’Europe serait constituée de 25 % d’immigrés subsahariens en 2050.

Dans cette publication, François Héran, professeur au Collège de France, explique que la population d’Afrique subsaharienne va exploser, passant de 970 millions d’habitants en 2015 à plus de 2,2 milliards en 2050 mais elle ne va pas pour autant « envahir » l’Europe et la France. Le démographe bat en brèche plusieurs idées reçues :
  • ce n’est pas parce qu’ils sont pauvres que les Africains viennent en Europe. Au contraire, selon la matrice bilatérale des migrations bâtie par la Banque mondiale, l’OCDE et le FMI, plus un pays est pauvre, moins ses habitants ont de ressources pour partir dans des pays lointains ;
  • l’essentiel des migrations africaines ne se produit pas vers l’Europe, mais vers les pays voisins de la région subsaharienne : 70 % des émigrés subsahariens restent dans leur région, un taux qui atteint 81 % en Afrique centrale. Sur les 30 millions d’émigrés subsahariens, seuls 15 % viennent sur le Vieux Continent

70 % des migrants subsahariens restent dans leur région, contre seulement 1 % des Nord-Africains

Proportion d'émigrés restant dans leur région d'origine en 2015, selon la base de la Banque mondiale.
0 %10 %20 %30 %40 %50 %60 %70 %70 %55 %52 %48 %46 %36 %36 %26 %6 %1 %Part des émigrés restant dans la régionAfrique subsaharienne OcéanieEurope occidentaleEurope de l'EstAsie centrale et occidentaleAmérique du SudAsie du Sud et de l'EstÉtats-Unis et CanadaAmérique centraleAfrique du Nord
Afrique subsaharienne
Part des émigrés restant dans la région: 70 %
Source : Ined, "Populations et société n°558
  • les populations ne se « déversent » pas mécaniquement des pays à forte fécondité vers les pays à faible fécondité. « Ceux qui comptent au moins 4 enfants par femme ont envoyé 5 % seulement de leurs migrants vers les pays ayant moins de 1,7 enfant. Les pays les plus mobiles sont les plus engagés dans la transition démographique, que ce soit au Sud ou au Nord », note François Héran.
  • les migrations subsahariennes vont forcément augmenter « mais dans des proportions qui n’ont rien de bouleversant », selon des projections de l’ONU. Ainsi, en France, les migrants subsahariens qui constituent 1,5 % de la population en 2015 pourraient passer à 2,9 %, voire 4 %, ce qui est « très en deçà des prophéties alarmistes », conclut l’étude de l’INED.

L'immigration subsaharienne devrait doubler, passant de 1,5 à 2,9 % de la population française en 2050

Pourcentage de population immigrée en France par région d'origine en 2015 et projection en 2050 selon les données de l'ONU
0 %1 %2 %3 %4 %5 %6 %5.3 %2.1 %2.9 %1.2 %0.7 %0.7 %En 2015Projection pour 2050Afrique duNordEurope du SudAfriquesubsaharienneEurope del’OuestProche etMoyen OrientAsie de l’Est
Asie de l’Est
En 2015: 0,7 %
Projection pour 2050: 0,7 %
Source: Ined Population et Sociétés 558

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire