J’aurais pu intituler cette chronique, par avance je prie celles et ceux que je pourrais choquer de m’excuser: «La France, La République, L’État…et tous les Autres qui ne feront certainement jamais assez!»
Le terme «Impression» s’est instantanément imposé à moi à partir d’un constat relativement récent, qui m’a conforté dans l’idée d’une présence nuisible de véritables no man’s lands communautaires dans certaines villes et quartiers périphériques des grandes métropoles françaises.
Ce sont des zones identitaires de non droit, dans lesquelles aucune norme républicaine ou institution de l’État ne doit supplanter la dure loi de la cité. Il existe évidemment des disparités entre-elles, d’un quartier difficile à un autre…selon que l’on habite dans le Bas Belleville à Paris, à Clichy-sous-Bois en Seine Saint Denis (le fameux 9.3), ou à Villeneuve dans la banlieue de Grenoble. L’urbanisation et la structuration sociale ne sont pas les mêmes, n’obéissent pas aux mêmes pesanteurs de groupes, pas plus qu’elles produisent les mêmes effets au sein de populations hétérogènes, y compris lorsqu’elles sont nouvellement migrantes.
Une défiance envers l’autorité très vivace et soigneusement entretenue
En effet certains de ces quartiers difficiles connaissent un phénomène de défiance permanente envers l’autorité républicaine (ou tout ce que certains jeunes perçoivent comme telle), les conduisant à leur propre marginalisation sociale.
C’est d’ailleurs une réaction incompréhensible et inexplicable pour les parents, nombre d’entre eux étant pourtant originaires de pays anciennement colonisés par la France, qu’ils ont quitté pour gagner dignement leur vie au loin. Fondamentalement dans un contexte économique particulièrement difficile, la plupart des anciens et nouveaux migrants d’Afrique noire ou du Maghreb assimilent de tels comportements à de véritables caprices d’enfants gâtés par la «modernité», doublés d’une infantilisation excessive, sciemment entretenue par la culpabilisation sur une Histoire (franco-africaine) mal digérée.
Autant de raisons objectives qui commandent de sortir d’une approche toujours compassionnelle et compatissante à l’égard des jeunes des quartiers difficiles, afin que la puissance publique ne soit plus réduite (uniquement) à la simple satisfaction des besoins: procurant le bon logement aux parents, assurant l’éducation et les infrastructures sportives aux enfants…sans jamais être confrontés au sens de la responsabilité individuelle et collective en République.
Il faut évidemment continuer à en faire plus, mais avec la contribution de tous!
J’exprime certainement ici l’exaspération ressentie par le citoyen que je suis, à la suite d’un investissement bénévole de plusieurs mois dans l’organisation des Premières (probablement les dernières sous cette forme) Rencontres Formations, Métiers, Emplois à Belleville.
Et contrairement à ce qu’on imagine souvent, le plus difficile n’aura pas été de convaincre les entreprises, les professionnels de la formation et de l’apprentissage de consacrer un après midi de leur précieux temps (mercredi 30 mars, de 14h00 à 19h00) pour venir à Belleville, proposer des formations, des métiers et des emplois aux jeunes en difficulté d’insertion professionnelle (2 sur 3 selon les chiffres officiels).
La vraie difficulté aura consisté de contourner les innombrables pièges tendus par les acteurs sociaux, locaux et municipaux: composer avec la mauvaise foi des uns, l’isolement orchestré par les autres, le sabotage par petites touches successives de l’armature initiale du projet…pour terminer le Jour J (le 30 mars) avec un véritable boycott des différents acteurs sociaux comme des jeunes, au motif parfaitement compréhensible et respectable qu’ils venaient de perdre «un des leurs», assassiné le week-end précédent par son (meilleur) ami d’enfance dans un conflit (toujours) non élucidé.
Deux ou trois heures avant les Rencontres Formations, Métiers, Emplois à Belleville, une marche justifiée (solidarité avec la famille du défunt, dénonciation des injustices sociales, des discriminations raciales, de l’insuffisance des effectifs de la police..) était organisée par les jeunes du quartier. Elle est partie et s’est achevée devant le Gymnase Berlemont. Y ont pris part des centaines de Jeunes, des organisations locales, associations communautaires, et quelques élus du onzième, dont le conseiller d’arrondissement en charge de la jeunesse qui s’assurait du bon déroulement de la manifestation.
Mais comment comprendre que les mêmes élus et responsables publics se soient montrés rétifs à inciter ces jeunes à revenir au lieu-dit à 14h00, munis de CV, afin d’être guidé dans leur orientation professionnelle, ou de recevoir des propositions d’emplois?
J’avoue ne pas avoir de réponse à cette question. Je n’en aurai certainement jamais, si ce n’est une conviction diffuse que les quartiers difficiles constituent aussi un enjeu politique. Dans la meilleure comme dans la pire des situations, certains gagnent encore à les maintenir sous une dépendance suicidaire. Inutile dans un tel contexte de faire grand cas des injures et autres agressions verbales proférées à l’encontre des gendarmes à la sortie du bâtiment, par de jeunes drogués visiblement très excités à l’idée de se payer les figures emblématiques de la République ennemie.
Quel gâchis!
Joël Didier Engo
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire