Environ 2 000 soldats noirs
ont participé au débarquement du 6 juin 1944. Victimes de la ségrégation
instituée au sein de l’armée américaine, cantonnés aux tâches
subalternes, parfois boucs émissaires, ce sont les laissés-pour-compte
de l’épopée des GI’s.
- Les oubliés de l’Histoire
On ne les voit pas dans les films consacrés au jour J :
Le Jour le plus long ou
Il faut sauver le soldat Ryan.
Pourtant, quelque 2 000 soldats noirs ont débarqué en Normandie le 6
juin 1944. C’est le cas du 320e bataillon de ballons de barrage
anti-aérien, une unité exclusivement composée d’Afro-Américains. Son
rôle était de lâcher des ballons gonflables au-dessus des plages du
débarquement pour protéger les soldats des attaques d’avions ennemis.
Comme l’explique un article de France 24
consacré à cette histoire méconnue, ces ballons gonflés à l’hydrogène
étaient équipés de détonateurs qui les faisaient exploser en cas de
contact.
- Victimes de la ségrégation
A défaut d’être intégrés dans les unités combattantes, bannis du
corps des Marines et de l’armée de l’Air, les Noirs sont cantonnés dans
les cuisines ou à l’intendance. Ce sont eux qui ravitaillent les
combattants en nourriture et en munitions. «
C’est vraiment intéressant de se dire qu’on n’est pas même pas jugé assez bon pour mourir pour son pays », observe, amère, l’historienne américaine Yvonne Latty dans un article du
Miami Herald. Et dans ces tâches subalternes, les humiliations sont régulières. «
On
leur apportait de la nourriture, des munitions, de l’essence, de l’eau
et tout un tas de choses. Et après ça, ils ne voulaient pas nous nourrir »,
rapporte encore un vétéran. Dans les colonnes du journal
Ouest-France, un autre raconte ces armes de piètre qualité qui leur étaient fournies - quand on leur en donnait.
Jusqu’en 1948, l’armée américaine est ségrégationniste, comme l’est
encore une large partie du territoire américain. Dans les bus, les
soldats noirs ne peuvent s’asseoir qu’au fond. Les régiments, les mess,
même les poches de sang, sont séparés. «
Ainsi, l'armée américaine,
qui agissait au nom de valeurs universelles et qui a libéré l'Europe,
gardait aussi certaines pratiques dont les Etats-Unis n'allaient se
débarrasser que beaucoup plus tard »,
écrit Laurent Joffrin sur le site du Nouvel Observateur.
- Viols : des coupables idéaux
Les cas de viols dont se sont rendus coupables les soldats américains
après le débarquement sont l’un des points noirs de la Libération.
D’après l’historienne américaine Mary Louise Roberts, auteur de
What Soldiers Do,
sur la sexualité des GI’s pendant le débarquement, cette opération a
été vendue aux combattants comme une formidable opportunité sexuelle.
Une façon de motiver les troupes. Dans l’imaginaire collectif de
l’époque aux Etats-Unis, la France est le pays du sexe libre et les
Françaises des femmes faciles.
Selon l’historien J. Robbert Lilly, il y aurait eu 3 500 viols commis
par des GI’s en France entre juin 1944 et la fin de la guerre. Pour la
seule année 1944, 49 soldats américains ont été condamnés pour viols ;
21 ont été pendus. La grande majorité de ces condamnations ont frappé
des soldats noirs alors qu’ils ne représentaient que 10% des effectifs.
Mary Louise Roberts parle de «
boucs émissaires ». «
Quand un Noir était pris, la sentence était automatique : la pendaison. Pour les Blancs, c’était différent », raconte encore le vétéran américain interrogé par
Ouest-France.
- Les relations avec la population normande
Mary Louise Roberts décrit des Normands bourrés de préjugés à l’égard des Noirs, considérés comme des «
sauvages hypersexués ». Elle fait état d’une «
hystérie presque apocalyptique » à leur égard, qu’illustrent les rapports de police. Une analyse qui étonne cependant une autre chercheuse,
Alice Mills,
maître de conférences à l’Université de Caen. Les nombreux témoignages
qu’elle a recueillis auprès de la population normande tendraient au
contraire à laisser penser que celle-ci avait plutôt une bonne opinion
d’eux.
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