Les moins de 25 ans issus de familles africaines éprouvent plus de difficultés que les autres à faire des études et à décrocher un emploi stable, selon une étude de France Stratégie.
Comment
expliquer les difficultés d'insertion pour la « deuxième génération » de
l'immigration ? France stratégie fait l'inventaire des obstacles qui
bloquent aujourd'hui leurs parcours : le milieu social, les difficultés
scolaires, mais aussi la relégation spatiale, et les discriminations.
Un « apartheid territorial, social, ethnique » se serait-il
imposé en France ? Manuel Valls avait évoqué les banlieues en ces
termes, le 20 janvier, au lendemain des attentats commis par les frères
Kouachi et Amedy Coulibaly. Et pour lutter contre la « relégation péri-urbaine
», le Premier ministre avait rapidement promis un « comité
interministériel à la citoyenneté à l'égalité ». Celui-ci doit se réunir
ce vendredi 6 mars, à Matignon. Et une contribution vient déjà d'être
livrée par France stratégie, cet organisme de réflexion et de
concertation placé auprès du Premier ministre. A vrai dire, sa note sur
les « jeunes issus de l'immigration » ne confirme pas l'existence d'une
politique de ségrégation raciale en France. Elle détaille, en revanche,
tous les obstacles qui éloignent les enfants d'immigrés de l'insertion
économique.
Des situations contrastées
Certes, au sein de la deuxième génération, les situations sont « très
contrastées, notamment selon l'origine migratoire des parents »,
rappelle d'abord France stratégie. Les enfants d'Africains apparaissent
en effet comme les moins bien insérés dans l'économie. A moins de 30
ans, leur taux de chômage est de 32 % - contre 16 % pour les descendants
d'immigrés d'Europe, comme pour les autochtones, et 25 % pour les
jeunes issus de l'immigration d'un autre continent. Les taux d'activité
se distinguent également, chez les femmes : les descendantes d'immigrés,
notamment maghrébins, « sont moins actives que les femmes sans
ascendance migratoire directe ». En outre les jeunes issus de
l'immigration, particulièrement d'Afrique noire ou du Maghreb, sont «
plus exposés à la précarité dans l'emploi, souffrent de trajectoires
heurtées et intègrent moins la fonction publique d'État. Ces difficultés
se traduisent par un niveau de vie inférieur et par des situations de
pauvreté plus fréquentes ».
Parents modestes
Mais comment expliquer de telles inégalités ? France stratégie énumère
les obstacles qui se dressent, tout au long des parcours de ces jeunes
descendants d'immigrés. A l'origine, leurs parents appartiennent à des «
milieux sociaux plus modestes que l'ensemble de la population : les
trois quarts des descendants de deux parents immigrés ont un père
ouvrier ». Et concrètement en 2011, le niveau de vie médian des
personnes arrivées d'Afrique était de 12 240 euros, contre 16 520 euros
pour les immigrés d'Europe, et 20 310 euros pour les non immigrés.
Décrochage scolaire
Les obstacles se présentent également à l'école, rapporte France
stratégie : « En raison d'un environnement souvent moins favorable à
l'apprentissage de la langue, un long processus de décrochage silencieux
s'engage pour de nombreux enfants issus de l'immigration, dès le plus
jeune âge. » En 6eme, comme à 15 ans, leurs résultats sont moins bons ;
finalement, 24 % des enfants d'immigrés sortent du système éducatif sans
diplôme, contre 16 % pour les autres jeunes. Le taux est de 30 % pour
les descendants d'Africains.
Concentration spatiale
Il est vrai qu'en France, les jeunes issus de l'immigration sont
fortement concentrés dans certains établissements ; et cela « a un
impact négatif sur leurs performances ». Plus largement, les immigrés
d'origine africaine et leurs enfants restent aussi « très concentrés
dans certaines régions et, à l'intérieur de celles-ci, dans certaines
communes souvent pauvres et à forte proportion d'immigrés », rappelle
France stratégie. Ainsi en 2005 en Seine-Saint-Denis, 57 % des jeunes
étaient issus de l'immigration. Or cette situation « freine l'accès à
l'emploi de tous les habitants de ces zones ». Du reste, les descendants
d'immigrés n'apparaissent « pas à cet égard spécifiquement pénalisés ».
Discriminations
Ces différents facteurs, pourtant, « ne peuvent expliquer à eux seuls
les écarts mentionnés en termes d'insertion économique », prévient
l'organisme de prospective. « Cet écart non expliqué renvoie à des
facteurs non pris en compte dans les enquêtes, dont des phénomènes de
discrimination. » Et pour accéder à l'emploi, particulièrement, ces
rejets sont davantage observés par les descendants d'immigrés africains.
Face à tous ces obstacles, faut-il donc différencier les citoyens français « en fonction de leur ascendance migratoire » ? Si France stratégie appelle à mobiliser le droit commun, l'organisme estime néanmoins « urgent de réfléchir » à « des mesures particulières » pour tous ces jeunes. La réponse est désormais à Matignon.
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