dimanche 10 mai 2015

France: le CRAN célèbre à sa manière la journée du 10 mai, par une plainte contre le baron Seillière.




Le Memorial Acte de Pointe-à-Pitre.
Le Memorial Acte de Pointe-à-Pitre.


Traite négrière à Bordeaux : le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) a assigné en justice le baron Seillière.
Source: Le Monde.fr avec AFP | 09.05.2015

Il faut dire que la cible est particulièrement bien choisie: le baron Ernest-Antoine Seillière, tout un symbole!

Mais avant de penser aux futures cibles du CRAN...force est de constater la récurrence de ce débat sur la repentance qui resurgit en France au moment de chaque commémoration de la journée du 10 mai.

En effet tous les 10 mai resurgit en filigrane l'accusation faîte notamment aux descendants d'esclaves originaires des Dom-Tom d'attiser en commémorant l'abolition de ce crime contre l'humanité, le procès de la repentance contre la France, puis une concurrence mémorielle. 

Mais au nom de quel dogme néo-civilisateur devrait-on interdire d'office, celles et ceux d'entre-eux qui le souhaitent, d'inscrire cette commémoration dans le sens de la nécessaire repentance des héritiers des esclavagistes d'hier, pourtant connus de tous, et qui ont tiré en toute respectabilité une part de leur prospérité économique de la traite négrière? Ou de pouvoir s'offrir aux frais de la collectivité, un lieu dédié à la Mémoire universelle?

Allez donc comprendre!

Joël Didier Engo


Esclavage : pourquoi le CRAN assigne le baron Seillière en justice
L' ObsPar L' Obs

Le Conseil représentatif des Associations noires de France lance une action judiciaire contre l'ancien patron des patrons pour "crime contre l'Humanité et recel de crime contre l'Humanité".Un homme visite le Mémorial de l'abolition de l'esclavage, à Nantes, le 13 avril 2015. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA)Un homme visite le Mémorial de l'abolition de l'esclavage, à Nantes, le 13 avril 2015. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA)

http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150510.OBS8692/esclavage-pourquoi-le-cran-assigne-le-baron-seilliere-en-justice.html
Le Conseil représentatif des Associations noires de France (CRAN) a, samedi 9 mai, annoncé avoir assigné en justice Ernest-Antoine Seillière, ancien président du patronat français et du groupe Wendel pour "crime contre l'Humanité et recel de crime contre l'Humanité". Quelles sont les motivations de cette procédure ?

#1 La fortune du baron "issue de la traite négrière"

La fortune du baron est "en bonne partie issue de la traite négrière", a déclaré, samedi à Bordeaux, le président du CRAN, Louis-Georges Tin, lors de la conférence de presse pour annoncer le dépôt de l'assignation, laquelle concerne aussi "solidairement" le fonds Wendel, qu'Ernest-Antoine Seillière de Laborde a présidé de 1978 à 2013.

Wendel, fondé en 1704 en Lorraine par la famille du baron Seillière, est aujourd'hui l'une des toutes premières sociétés d'investissement cotées en Europe. Le groupe compte 310 ans d'histoire dont 272 dans la sidérurgie et 40 dans le capital-investissement.

Contacté par "l'Obs", Louis-Georges Tin précise que parallèlement à cette assignation en justice, un appel au boycott contre les actifs de Monsieur Seillière a été lancé, avec l'appui de la Commission européenne pour les réparations

#2 La généalogie et les actifs du baron passés au crible

De 1997 à 2005, Ernest-Antoine Seillière de Laborde a été successivement président du Centre national du patronat français (CNPF) et du Mouvement des entreprises de France (Medef). A partir de 1978, il a en outre pris les rênes de la CGIP, rebaptisée Wendel Investissement en 2003, puis Wendel en 2007, et dont il est aujourd'hui président d'honneur.
Mais ce sont à des connexions plus anciennes entre sa famille et la traite négrière que le CRAN fait référence.

L'an dernier, lors des commémorations du 10 mai, le CRAN avait ainsi décidé d'interpeller de grandes institutions financières à propos de leurs liens historiques avec la traite négrière. Il avait cité comme exemple Demachy-Seillière, un fonds d'investissement fondé par la famille Seillière de Laborde, propriétaire au XVIIIe siècle "de trois plantations dans l'ancienne colonie française Saint Domingue, (devenue Haïti, NDLR) et de vaisseaux négriers ayant déporté des esclaves, hommes, femmes et enfants, d'Afrique vers les Antilles", selon le CRAN.

A ce propos, Louis-Georges Tin rappelle qu'"après son indépendance, Haïti a été menacé par la France et a dû payer des réparations ‘ à l'envers’ pour indemniser les anciens propriétaires d'esclaves qui s'estimaient lésés par l'abolition". L'équivalent de "21 milliards de dollars d'aujourd'hui payés en 1825 et 1946", précise le président du CRAN.

Pour en revenir précisément à Ernest-Antoine Seillière, celui-ci est, estime le CRAN, "lié au capitalisme négrier à la fois par son aïeul, Jean-Joseph de Laborde, et par sa participation à la banque NSMD (filiale du groupe néerlandais ABN-Amro, NDLR), issue en partie de la banque Mallet, institution particulièrement investie dans la traite négrière". C'est donc à ce double titre que l'organisation assigne le baron Seillière.

#3 Le CRAN réclame réparation

Par cet acte déposé jeudi auprès du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, il s'agit, explique le CRAN, de "demander réparation" au nom des victimes de l'esclavage et de la traite négrière. Le CRAN ayant "tenté en vain d'établir un dialogue avec le baron Seillière qui n'a pas abouti, a donc choisi la voie judiciaire", a expliqué son président.
Les descendants des esclavagistes ne sont pas coupables mais ils sont bénéficiaires et leur fortune est faite de biens mal acquis", a souligné Louis-Georges Tin.
"Et en refusant toute réparation, ils deviennent solidaires de fait du crime dont ils essaient de se démarquer en vain", a-t-il poursuivi.

Les réparations peuvent être "multiformes", il peut s'agir de "lieux de culture, de musées", a-t-il suggéré, citant les exemples récents de banques américaines comme JP Morgan Chase et Bank of America qui ont mis en place des programmes de réparations, notamment des bourses d'étude pour les jeunes des ghettos de Chicago.
Louis-Georges Tin, à Bordeaux, le 9 mai. (AFP/J.-P.MULLER)

#3 Une date symbolique

Le président du CRAN a indiqué que l'assignation a été déposé jeudi, soit trois jours avant la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, célébrée ce dimanche. Cette année, cette date mémorielle coïncide avec l'inauguration, à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, du Mémorial ACTe. François Hollande en personne a inauguré ce grand centre de mémoire sur la traite et l'esclavage. La date de la procédure lancée par le CRAN a donc délibérément été choisie pour que celle-ci ait le plus de retentissement possible.

A noter que jeudi, le CRAN-Guadeloupe a de son côté assigné l’État français pour crime contre l’humanité en présence de la chanteuse Joëlle Ursull. A cette occasion, l'interprète de "White and Black Blues" (Eurovision 1990) a elle-même annoncé être disposée à attaquer l'Etat pour demander réparation, en précisant qu'une vingtaine de personnes étaient prêtes à la suivre.

#4 Pourquoi une conférence de presse à Bordeaux

La conférence de presse pour annoncer le dépôt de l'assignation contre le baron Seillière s'est tenue à Bordeaux. Pourquoi avoir choisi cette ville alors que c'est le TGI de Paris qui est saisi ? Pour faire la lumière sur le rôle-pivot du port aquitain dans l'esclavage et la traite négrière.

Ces pratiques ont en effet fait prospérer la ville entre les XVIe et XVIIIe siècles, grâce non seulement au négoce très lucratif de denrées coloniales produites par les esclaves, mais aussi grâce aux 508 expéditions négrières qui ont placé la ville en 2e position – après Nantes – des ports français pour l'ensemble de la période concernée.

Entre 1672 et 1837, Bordeaux a déporté de 120.000 à 150.000 esclaves africains vers les Amériques. En 1786, le port aquitain devance même son concurrent nantais, en développant la traite sur la côte est de l'Afrique.

S'appuyant sur ces faits historiques, le CRAN a demandé à la ville de Bordeaux et à la région Aquitaine de mettre en place des commissions pour la réparation et la réconciliation.

Le maire de Bordeaux Alain Juppé, qui avait dans un premier temps trouvé l'idée "loufoque", rapporte Louis-Georges Tin, a finalement invité le CRAN à venir présenter le projet dans le cadre de la commission bordelaise pour la diversité.

De son côté, la région Aquitaine a accueilli l'idée de manière assez ouverte en invitant le CRAN à en débattre dans le cadre des instances du Conseil économique, social et environnemental régional.

E.H. avec AFP

Sur le même sujet: "Un humour noir : Hollande, Haïti et les réparations", par Eric Fassin, Médiapart 11 mai 2015

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