lundi 22 juin 2015

En finir avec 5 idées reçues sur l'immigration en France

 Par Alexis Orsini L' Obs, 22 juin 2015


"La France accueille plus d'immigrés que ses voisins", "les immigrés n'ont aucune qualification"... Retour sur cinq idées reçues en cinq infographies.

 "Canalisation qui explose", "misère du monde"... En matière d'immigration, les idées reçues sont d'autant plus nombreuses qu'elles sont régulièrement alimentées par les discours politiques. Quelle est la part réelle d'immigrés dans la population française ? La France est-elle vraiment un des premiers Etats d'Europe à accueillir les migrants ? Réponses à quelques a priori en infographie.

1. "La France est envahie par les immigrés"


En 2011, selon le recensement de l'Insee, les immigrés (personnes nées à l'étranger mais résidant en France, qui peuvent être de nationalité française) représentaient 8,4% de la population française et les étrangers (personnes résidant en France - et qui ont pu y naître - sans en posséder la nationalité) 5,8%. Soit, en cumulé, 14,2% de l'ensemble de la population, c'est-à-dire un total de 9.266.961 personnes sur un peu plus de 65 millions d'habitants.

Depuis 1982, la part d’immigrés sur l’ensemble de la population a donc augmenté de 1,2% (passant de 7,2% à 8,4%) tandis que la part d’étrangers a un peu moins diminué (passant de 6,3% à 5,8%). Selon l'Insee, entre 2004 et 2012, la population immigrée a augmenté d'environ 90.000 personnes par an, pour aboutir à un total de 5,8 millions d'immigrés début 2013.

On est donc bien loin de la théorie du grand remplacement brandie régulièrement par l'extrême droite. 

2. "La France est l'un des premiers pays d'accueil des demandeurs d'asile"

En 2014, la moyenne d'acceptation de demandes d'asile au sein de l'Union européenne s'élève à 45,2%. Avec ses 14.905 demandes acceptées sur un total de 68.535 décisions rendues, la France affiche pour sa part un taux d'acceptation de 21,7%, bien inférieur à celui de nombreux voisins européens.

L'hexagone est en effet loin derrière certains pays, aussi bien en terme de demandes reçues (202.645 pour l'Allemagne) que d'acceptation (76,8% pour la Suède ou encore 58,4% pour l'Italie). Mais aussi devant de bien plus mauvais élèves, comme la Grèce (1.970 acceptations sur 13.305 décisions rendues).

 3. "Les migrants en situation irrégulière sont de plus en plus nombreux à s'installer en France"

La tendance observée ces deux dernières années témoigne au contraire d'une augmentation du nombre de départs de migrants en situation irrégulière en France vers l'étranger.

Les départs spontanés se sont en effet considérablement multipliés, comme en témoigne la hausse de 41,3% entre 2013 et 2014.

En cumulé avec les éloignements forcés et spontanés, les départs annuels restent donc stables, avec une légère hausse (de presque 2%) sur un an : les sorties du territoire s'élevaient ainsi à 27.606 personnes en 2014, contre 27.081 personnes en situation irrégulière l'année précédente.

Un phénomène de migration qui s'explique notamment par le fait que de nombreux migrants passent seulement en transit par la France, afin de rejoindre d'autres pays européens, comme l'Allemagne ou la Suède.

4. "L'immigration coûte plus qu'elle ne rapporte"

Cette affirmation prête à débattre depuis des années, et ne devrait pas trouver de réponse définitive sous peu puisqu'il est très difficile de quantifier les apports financiers de l'immigration. Elle aurait ainsi rapporté près de 3,2 milliards d'euros à l'Etat en 2005 selon une étude, mais coûterait 5 à 10 milliards d'euros d'après un autre rapport.

En revanche, le coût de la politique européenne de lutte contre l'immigration clandestine est bien connu. Il s'élève, depuis 2000, à 11,3 milliards d'euros pour les seules reconduites à la frontière d'immigrés illégaux et à 1,6 milliard d'euros pour assurer la protection aux frontières en question, selon l'enquête d'un consortium de journalistes européens

5. "Les immigrés n'ont aucune qualification"

Là encore, l'idée reçue selon laquelle les migrants seraient des travailleurs non qualifiés, donc potentiellement peu susceptibles d'apporter de la richesse à leur pays d'accueil, est mise à mal par les statistiques de l'Insee.

Ainsi, 63% des immigrés arrivés en France en 2012 étaient titulaires d'un diplôme équivalent au baccalauréat et 39% de ces nouveaux arrivés disposaient d'un diplôme supérieur. Des statistiques en hausse depuis 2004. 

 

Entre 2004 et 2012, la part d'immigrés titulaires d'un diplôme au moins équivalent au bac a en effet augmenté de 7 points. Bien que la majeure partie de ces immigrés aux grandes qualifications provienne d'Amérique ou d'Asie, certains sont aussi originaires d'Afrique.

L'Insee précise ainsi qu'à eux seuls, les migrants venus d'Afrique représentent "42 % de la progression depuis 2009 : la part des plus diplômés augmente de 5 points pour les Marocains et de 4 points pour les Tunisiens".

Alexis Orsini
L' Obs, 22 juin 2015

Les expulsions

La politique d’expulsion des sans-papiers, partagée par l’ensemble des pays européens, a un corollaire : un budget très élevé. Depuis 2000, le renvoi de plus de 3,3 millions de personnes a coûté «au moins» 11,3 milliards d’euros, selon 
The Migrants Files. C’est le poste de dépenses le plus important - et de loin - de la politique anti-immigration.

Il est pourtant largement sous-documenté. En Suède, seuls les frais de transport sont comptabilisés, pas ceux de la rétention. En Allemagne, le gouvernement avoue son incapacité à évaluer quelles sommes sont consacrées à l’éloignement des clandestins. Il faut dire que les dispositifs sont touffus. Il existe une myriade de procédures. Rien qu’en France, on dénombre les éloignements forcés, les éloignements spontanés, les éloignements aidés, les départs volontaires aidés.

Depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir, le gouvernement communique avec zèle sur l’augmentation des éloignements forcés (15 161 l’an passé, sur un total de 27 606). Signe, selon lui, d’une «fermeté» dans l’approche du dossier. La dernière tentative d’évaluation du coût de la politique d’expulsion en France remonte à 2008-2009. Le Sénat la chiffrait alors à 415 millions d’euros, avant que l’Inspection générale de l’administration ne la ramène à 232 millions d’euros. Soit 12 000 à 21 000 euros par reconduite. Les associations évoquent des sommes plus élevées, prenant en compte l’ensemble de la procédure : de la garde à vue au transport vers le pays d’origine, en passant par le séjour en centre de rétention et l’aide juridictionnelle. S.M.
Quotidien Libération 

Cinq ans de flux migratoires racontés en une carte

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INFOGRAPHIE - Chaque jour, plusieurs centaines de migrants entrent en Europe. Si l'itinéraire central est le plus emprunté, la route de la Méditerranée orientale et celle des Balkans se sont beaucoup développées.

Semaine après semaine, de nouveaux chiffres viennent en témoigner: l'immigration clandestine vers l'Europe est en plein essor. «Depuis le 1er janvier, on a eu au total environ 100.000 franchissements irréguliers de la frontière extérieure de l'Union européenne, contre 40.000 sur la même période de l'an dernier», a indiqué début juin le patron de Frontex, Fabrice Leggeri. Entre 2013 et 2014, le nombre d'immigrés entrés illégalement dans l'Union européenne a presque triplé.

«Deux routes d'immigration sont aujourd'hui particulièrement importantes: celle de la Méditerranée centrale, allant de la Libye vers le sud de l'Italie, et celle de la Méditerranée orientale allant de la Turquie vers la Grèce», selon Fabrice Leggeri. Cette dernière a connue une évolution spectaculaire des arrivées, avec une explosion de «+550% de passages», a indiqué le patron de Frontex.

Avec cette évolution, c'est aussi le profil des migrants qui change. «La question aujourd'hui en Méditerranée orientale est plus une demande d'asile», avec une grosse moitié de Syriens fuyant la menace de l'Etat islamique, qui sont quasiment assurés d'obtenir le statut de réfugié en Europe, a indiqué M. Leggeri.

Entre 2013 et 2014, l'immigration par la Méditerranée centrale a augmenté de 277%, d'après Frontex. Reliant le continent africain et européen, cette route est actuellement la plus empruntée par les migrants. Elle permet de rejoindre, depuis l'Afrique du Nord, les côtes italiennes et espagnoles. Pour cet itinéraire, le patron de Frontex a noté une «quasi disparition» des Syriens remplacés par des migrants d'origine sub-saharienne «qui ont d'avantage un profil de migrants irréguliers économiques».

Nouvelle donne dès 2011

Pour rallier les côtes de l'Europe de l'ouest, la Libye agit comme point de départ. Jusqu'en 2010 la situation économique du pays permettait aux migrants venant majoritairement d'Afrique subsaharienne d'y trouver du travail. La Libye pouvait alors être synonyme de destination finale plutôt que de point de transit vers l'Europe. Mais l'instabilité locale depuis 2011 a complètement changé la donne. L'éruption de troubles civils et plus récemment la montée de l'Etat islamique ont eu pour conséquence une nette augmentation de la migration depuis ce pays.

 
Les passeurs en Libye se savent hors d'atteinte et le flux de migrants arrivant sur les côtes italiennes va donc continuer, selon la porte-parole de Frontex, Izabella Cooper. Les passeurs en Libye, à l'origine de l'essentiel de ce flux débarquant en Italie, «organisent ces départs en sachant qu'ils ne seront pas arrêtés.» Pour elle, «aussi longtemps que cette situation en Libye perdure, le flux va continuer». Et, alors que les moyens de Frontex ont été renforcés en Méditerranée, 54.000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes depuis le début de l'année. Six navires patrouilleurs de haute mer, quatre avions, deux hélicoptères et une douzaine de petits patrouilleurs participent désormais à l'opération lancée au début de l'année.

Situation dramatique en Syrie, Erythrée, Soudan

«Les Syriens sont toujours les plus nombreux aux frontières, et nous savons pourquoi ils s'enfuient», a-t-elle ajouté. Sur l'ensemble de 2014, plus de 170.000 immigrés clandestins sont arrivés par la mer en Italie, et plus de 50.000 en Grèce, selon l'agence.

Selon Frontex, «il y a plusieurs raisons à cette hausse spectaculaire - une situation dramatique en Syrie, en Érythrée, au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo, en Irak combinée au fait que la Libye est de facto un État défaillant où la loi n'est pas appliquée. Cela a créé des conditions idéales pour les trafiquants de personnes qui opèrent en Libye en toute impunité.» Faisant du pays le principal point de départ pour les migrants.

Une autre voie

La route des Balkans s'est aussi beaucoup développée. Plus longue, elle serait moins dangereuse que les routes méditerranéennes. Concrètement: la police n'arrête pas les migrants en Macédoine mais ils ont interdiction d'utiliser les transports en commun, ce qui rend le périple très long. Depuis le début de l'année près de 50.000 personnes, venant majoritairement d'Irak, d'Afghanistan ou de Syrie, auraient ainsi traversé la Macédoine pour tenter de rejoindre des destinations plus au nord.
 Source: Le Figaro.fr

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