"La
France accueille plus d'immigrés que ses voisins", "les immigrés n'ont
aucune qualification"... Retour sur cinq idées reçues en cinq
infographies.
"Canalisation qui explose",
"misère du monde"... En matière d'immigration, les idées reçues sont
d'autant plus nombreuses qu'elles sont régulièrement alimentées par les
discours politiques. Quelle est la part réelle d'immigrés dans la
population française ? La France est-elle vraiment un des premiers Etats
d'Europe à accueillir les migrants ? Réponses à quelques a priori en
infographie.
1. "La France est envahie par les immigrés"
En 2011, selon le recensement de l'Insee, les immigrés
(personnes nées à l'étranger mais résidant en France, qui peuvent être
de nationalité française) représentaient 8,4% de la population française
et les étrangers (personnes résidant en France - et
qui ont pu y naître - sans en posséder la nationalité) 5,8%. Soit, en
cumulé, 14,2% de l'ensemble de la population, c'est-à-dire un total de
9.266.961 personnes sur un peu plus de 65 millions d'habitants.
Depuis
1982, la part d’immigrés sur l’ensemble de la population a donc
augmenté de 1,2% (passant de 7,2% à 8,4%) tandis que la part d’étrangers
a un peu moins diminué (passant de 6,3% à 5,8%). Selon l'Insee, entre
2004 et 2012, la population immigrée a augmenté d'environ 90.000
personnes par an, pour aboutir à un total de 5,8 millions d'immigrés
début 2013.
On est donc bien loin de la théorie du grand remplacement brandie régulièrement par l'extrême droite.
2. "La France est l'un des premiers pays d'accueil des demandeurs d'asile"
L'hexagone est
en effet loin derrière certains pays, aussi bien en terme de demandes
reçues (202.645 pour l'Allemagne) que d'acceptation (76,8% pour la Suède
ou encore 58,4% pour l'Italie). Mais aussi devant de bien plus mauvais
élèves, comme la Grèce (1.970 acceptations sur 13.305 décisions
rendues).
3. "Les migrants en situation irrégulière sont de plus en plus nombreux à s'installer en France"
La tendance observée ces deux dernières années témoigne au contraire d'une augmentation du nombre de départs de migrants en situation irrégulière en France vers l'étranger.
Les départs spontanés se sont en effet considérablement multipliés, comme en témoigne la hausse de 41,3% entre 2013 et 2014.
En
cumulé avec les éloignements forcés et spontanés, les départs annuels
restent donc stables, avec une légère hausse (de presque 2%) sur un an :
les sorties du territoire s'élevaient ainsi à 27.606 personnes en 2014,
contre 27.081 personnes en situation irrégulière l'année précédente.
Un
phénomène de migration qui s'explique notamment par le fait que de
nombreux migrants passent seulement en transit par la France, afin de
rejoindre d'autres pays européens, comme l'Allemagne ou la Suède.
4. "L'immigration coûte plus qu'elle ne rapporte"
Cette
affirmation prête à débattre depuis des années, et ne devrait pas
trouver de réponse définitive sous peu puisqu'il est très difficile de
quantifier les apports financiers de l'immigration. Elle aurait ainsi
rapporté près de 3,2 milliards d'euros à l'Etat en 2005 selon une étude, mais coûterait 5 à 10 milliards d'euros d'après un autre rapport.
En
revanche, le coût de la politique européenne de lutte contre
l'immigration clandestine est bien connu. Il s'élève, depuis 2000, à
11,3 milliards d'euros pour les seules reconduites à la frontière
d'immigrés illégaux et à 1,6 milliard d'euros pour assurer la protection
aux frontières en question, selon l'enquête d'un consortium de journalistes européens.
5. "Les immigrés n'ont aucune qualification"
Là
encore, l'idée reçue selon laquelle les migrants seraient des
travailleurs non qualifiés, donc potentiellement peu
susceptibles d'apporter de la richesse à leur pays d'accueil, est mise à
mal par les statistiques de l'Insee.
Ainsi,
63% des immigrés arrivés en France en 2012 étaient titulaires d'un
diplôme équivalent au baccalauréat et 39% de ces nouveaux arrivés
disposaient d'un diplôme supérieur. Des statistiques en hausse depuis
2004.
Entre
2004 et 2012, la part d'immigrés titulaires d'un diplôme au moins
équivalent au bac a en effet augmenté de 7 points. Bien que la majeure
partie de ces immigrés aux grandes qualifications provienne d'Amérique
ou d'Asie, certains sont aussi originaires d'Afrique.
L'Insee
précise ainsi qu'à eux seuls, les migrants venus d'Afrique représentent
"42 % de la progression depuis 2009 : la part des plus diplômés
augmente de 5 points pour les Marocains et de 4 points pour les
Tunisiens".
La politique d’expulsion des sans-papiers, partagée par
l’ensemble des pays européens, a un corollaire : un budget très élevé.
Depuis 2000, le renvoi de plus de 3,3 millions de personnes a coûté «au
moins» 11,3 milliards d’euros, selon
The Migrants Files. C’est le poste
de dépenses le plus important - et de loin - de la politique
anti-immigration.
Il est pourtant largement sous-documenté. En Suède,
seuls les frais de transport sont comptabilisés, pas ceux de la
rétention. En Allemagne, le gouvernement avoue son incapacité à évaluer
quelles sommes sont consacrées à l’éloignement des clandestins. Il faut
dire que les dispositifs sont touffus. Il existe une myriade de
procédures. Rien qu’en France, on dénombre les éloignements forcés, les
éloignements spontanés, les éloignements aidés, les départs volontaires
aidés.
Depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir, le
gouvernement communique avec zèle sur l’augmentation des éloignements
forcés (15 161 l’an passé, sur un total de 27 606). Signe, selon lui,
d’une «fermeté» dans l’approche du dossier. La dernière tentative
d’évaluation du coût de la politique d’expulsion en France remonte à
2008-2009. Le Sénat la chiffrait alors à 415 millions d’euros, avant que
l’Inspection générale de l’administration ne la ramène à 232 millions
d’euros. Soit 12 000 à 21 000 euros par reconduite. Les associations
évoquent des sommes plus élevées, prenant en compte l’ensemble de la
procédure : de la garde à vue au transport vers le pays d’origine, en
passant par le séjour en centre de rétention et l’aide juridictionnelle.
S.M.
Quotidien Libération
Cinq ans de flux migratoires racontés en une carte
INFOGRAPHIE
- Chaque jour, plusieurs centaines de migrants entrent en Europe. Si
l'itinéraire central est le plus emprunté, la route de la Méditerranée
orientale et celle des Balkans se sont beaucoup développées.
Semaine après semaine,
de nouveaux chiffres viennent en témoigner: l'immigration clandestine
vers l'Europe est en plein essor. «Depuis le 1er janvier, on a eu au
total environ 100.000 franchissements irréguliers de la frontière
extérieure de l'Union européenne, contre 40.000 sur la même période de
l'an dernier», a indiqué début juin le patron de Frontex, Fabrice Leggeri. Entre 2013 et 2014, le nombre d'immigrés entrés illégalement dans l'Union européenne a presque triplé.
«Deux
routes d'immigration sont aujourd'hui particulièrement importantes:
celle de la Méditerranée centrale, allant de la Libye vers le sud de
l'Italie, et celle de la Méditerranée orientale allant de la Turquie
vers la Grèce», selon Fabrice Leggeri. Cette dernière a connue une évolution spectaculaire des arrivées, avec une explosion de «+550% de passages», a indiqué le patron de Frontex.
Avec
cette évolution, c'est aussi le profil des migrants qui change. «La
question aujourd'hui en Méditerranée orientale est plus une demande d'asile»,
avec une grosse moitié de Syriens fuyant la menace de l'Etat islamique,
qui sont quasiment assurés d'obtenir le statut de réfugié en Europe, a
indiqué M. Leggeri.
Entre 2013 et 2014, l'immigration par la
Méditerranée centrale a augmenté de 277%, d'après Frontex. Reliant le
continent africain et européen, cette route est actuellement la plus
empruntée par les migrants. Elle permet de rejoindre, depuis l'Afrique
du Nord, les côtes italiennes et espagnoles. Pour cet itinéraire, le
patron de Frontex a noté une «quasi disparition» des Syriens remplacés
par des migrants d'origine sub-saharienne «qui ont d'avantage un profil
de migrants irréguliers économiques».
Nouvelle donne dès 2011
Pour
rallier les côtes de l'Europe de l'ouest, la Libye agit comme point de
départ. Jusqu'en 2010 la situation économique du pays permettait aux
migrants venant majoritairement d'Afrique subsaharienne d'y trouver du
travail. La Libye pouvait alors être synonyme de destination finale
plutôt que de point de transit vers l'Europe. Mais l'instabilité locale
depuis 2011 a complètement changé la donne. L'éruption de troubles
civils et plus récemment la montée de l'Etat islamique ont eu pour
conséquence une nette augmentation de la migration depuis ce pays.
Les passeurs en Libye se savent hors d'atteinte et le flux de
migrants arrivant sur les côtes italiennes va donc continuer, selon la
porte-parole de Frontex, Izabella Cooper. Les passeurs en Libye, à
l'origine de l'essentiel de ce flux débarquant en Italie, «organisent
ces départs en sachant qu'ils ne seront pas arrêtés.» Pour elle, «aussi
longtemps que cette situation en Libye perdure, le flux va continuer».
Et, alors que les moyens de Frontex ont été renforcés en Méditerranée,
54.000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes depuis le début
de l'année. Six navires patrouilleurs de haute mer, quatre avions, deux
hélicoptères et une douzaine de petits patrouilleurs participent
désormais à l'opération lancée au début de l'année.
Situation dramatique en Syrie, Erythrée, Soudan
«Les
Syriens sont toujours les plus nombreux aux frontières, et nous savons
pourquoi ils s'enfuient», a-t-elle ajouté. Sur l'ensemble de 2014, plus
de 170.000 immigrés clandestins sont arrivés par la mer en Italie, et
plus de 50.000 en Grèce, selon l'agence.
Selon Frontex, «il y a
plusieurs raisons à cette hausse spectaculaire - une situation
dramatique en Syrie, en Érythrée, au Soudan du Sud, en République
démocratique du Congo, en Irak combinée au fait que la Libye est de
facto un État défaillant où la loi n'est pas appliquée. Cela a créé des
conditions idéales pour les trafiquants de personnes qui opèrent en
Libye en toute impunité.» Faisant du pays le principal point de départ
pour les migrants. Une autre voie
La
route des Balkans s'est aussi beaucoup développée. Plus longue, elle
serait moins dangereuse que les routes méditerranéennes. Concrètement:
la police n'arrête pas les migrants en Macédoine mais ils ont
interdiction d'utiliser les transports en commun, ce qui rend le périple
très long. Depuis le début de l'année près de 50.000 personnes, venant
majoritairement d'Irak, d'Afghanistan ou de Syrie, auraient ainsi
traversé la Macédoine pour tenter de rejoindre des destinations plus au
nord.
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