De mieux en mieux: "Renseignement : un régime inédit de surveillance des étrangers"
Le plus étrange est précisément que de telles grossières entorses aux libertés des étrangers sur le sol français, n'offusquent plus grand monde dans un État de droit et une démocratie autrefois présentés comme un modèle d'exemplarité.
Comme si tout étranger séjournant ou de passage en France est d'office considéré comme un délinquant en puissance ou un terroriste qui s'ignore. Même les fervents défenseurs d'une ligne ultra-sécuritaire à la droite de l'échiquier politique Français - voire à l'extrême droite - n'ont jamais proposé un tel régime de surveillance.
Joël Didier Engo
Un amendement sur la surveillance des étrangers fait grincer des dents
Par Le Figaro.fr 20 juin 2015
Le gouvernement a annoncé qu'il allait le
supprimer lundi. Ce texte introduit in extremis dans le projet de loi
sur le renseignement devait permettre de surveiller les étrangers de
passage en France sans saisir l'instance de contrôle.
Mettre en place un régime spécial de surveillance des
étrangers. C'était l'idée d'un amendement introduit dans le courant de
la semaine par Jean-Jacques Urvoas dans le cadre du projet de loi sur le
renseignement. Le président de la commission des lois de l'Assemblée a
en effet déposé ce mardi une disposition permettant de surveiller les
étrangers de passage en France, sans que soit saisie l'instance de
contrôle. Jamais voté par les deux chambres, le texte a été adopté lors
de l'examen du projet de loi en commission mixte paritaire, à l'issue
duquel députés et sénateurs étaient parvenus à un accord sur sa version
finale le 16 juin dernier.
Dans le détail, cet amendement
prévoit, «par dérogation», que «lorsque la mise en oeuvre sur le
territoire national d'une technique de renseignement ne concerne pas un
Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire
français, l'autorisation est délivrée par le premier ministre sans avis
préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement» (CNCTR). Plus concrètement, cela donne une grande marge
de manoeuvre aux services de renseignements, pouvant poser un micro dans
la chambre d'un diplomate, mettre sur écoute un homme d'affaires ou
tracer un journaliste venu faire un reportage dans l'Hexagone, sur
simple accord du premier ministre.
Un deuxième amendement pour supprimer le premier
Opposé
à ce régime de surveillance, le gouvernement a déclaré samedi vouloir
supprimer cette disposition. Cet amendement n'a jamais été validé par le
gouvernement, car il pose des problèmes de constitutionnalité», a-t-on
déclaré à Matignon. «En matière de libertés publiques, la distinction
entre Français et étrangers n'est pas pertinente», a précisé une source à
l'AFP. Même son de cloche place Beauveau: «le gouvernement était
défavorable à cet amendement», assure-t-on au ministère de l'Intérieur.
Selon Matignon, «le gouvernement déposera lundi un amendement de
suppression de cette disposition» qui sera examiné en amont du vote
définitif du projet de loi, mardi au Sénat et mercredi à l'Assemblée
nationale.
Mais le gouvernement n'est pas le seul à
contester cette disposition. En commission mixte paritaire, des
parlementaires avaient déjà évoqué un risque de non conformité à la
Constitution, comme le rapporteur au Sénat Philippe Bas (Les
Républicains) ou le sénateur Jean-Jacques Hyest (Les Républicains),
d'après le compte-rendu des débats. A l'issue des discussions, les
sénateurs avaient d'ailleurs tous refusé de voter le texte, à
l'exception de l'un d'entre eux,
rappelle Le Monde
.
Mais la contestation vient surtout de Jean-Marie
Delarue qui a tiré la sonnette d'alarme en publiant ce samedi une tribune dans le quotidien du Soir. Dans
ce texte, le président de la Commission nationale de contrôle des
interceptions de sécurité (CNCIS), appelée à être remplacée par la CNCTR
après l'entrée en vigueur de la future loi, dénonce vivement la
disposition introduite par le député Urvoas. «Il s'agit désormais de
permettre aux services, quels qu'ils soient, de faire ce que bon leur
semble avec les étrangers de passage», proteste-t-il, jugeant que la
mesure vise avant tout «celui qui est soupçonné d'être menaçant pour les
intérêts français: l'homme politique, l'homme d'affaires ou encore le
vrai ou faux riche touriste...»
Le texte «s'aligne très précisément sur la
conception américaine» qui «a permis aux agences américaines d'accumuler
sur ces étrangers les données massives que l'on sait», poursuit le
président de la CNCIS, déplorant une «régression». Pour Jean-Marie
Delarue, cet amendement, certainement issu de «quelque initiative des
services de renseignement», «affaiblit d'emblée (...) l'intervention de
la future commission de contrôle», puisqu'il ne prévoit même pas qu'elle
soit informée d'une mesure de surveillance d'un étranger de passage en
France.
Si les services «peuvent imposer ‘leur' loi, que valent
donc toutes les garanties patiemment élaborées dans la loi sur le
renseignement?», s'interroge-t-il. «Il est de l'intérêt des pouvoirs
publics comme de nos droits d'en gommer le contenu», insiste-t-il. Le
projet de loi est défendu par le gouvernement notamment au nom de la
lutte antiterroriste, mais est vivement critiqué par de nombreuses
associations de défense des droits qui redoutent une «surveillance de
masse».
Avec AFP
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