mardi 17 novembre 2015

Les attentats du 13 novembre à Paris et cet autre racisme que nous ne voyions pas


Photo: une des manifestations du racisme sur les réseaux sociaux camerounais depuis le 13 novembre

Le racisme comme le terrorisme ont l'art de s'incruster parfois là où ils sont le moins attendus...

Je le constate amèrement ces jours-ci chez certains ressortissants camerounais, africains qui ont beau jeu de mettre ce qu'ils assimilent à une "détestation" épidermique de la France, sous le compte de l'esclavage, de la colonisation, de la pérennisation de la dictature (qu'ils ne dénoncent curieusement jamais) au Cameroun, en Afrique noire française.

Mais j'ai beau retourner cette posture idéale de l'éternelle victime dans tous les sens, il m'apparaît qu'elle sert chez certains esprits retors à entretenir puis à justifier un racisme larvé, latent, évidemment jamais assumé parce que allant à rebours du schéma habituel. Pourtant il devient aussi nocif et destructeur que celui sur lequel nombre d'entre-nous se sont focalisés, acharnés...celui des néo-réctionnaires et identitaires en France, en Europe, et ailleurs dans l'hémisphère nord.

Les attentats du vendredi 13 novembre 2015 à Paris agissent littéralement comme un douloureux révélateur, sur une monstruosité inhumaine que nous refusions de voir, lui trouvant toutes les belles excuses, toutes les nobles justifications, au nom même de cette universalité des Droits Humains que nous défendons.

Bien triste constat!

Peut-être suis-je aussi atteint d'une excessive "émotion nègre" depuis le triste vendredi 13 novembre à Paris.... Je refuse surtout de me résigner devant la crétinerie crasse de néo-panafricanistes réactionnaires qui polluent ma page avec des messages de haine d'une inhumanité confondante. Voici ce que je veux leur dire:

L'indifférence tant décriée sur les réseaux sociaux à l'égard des nôtres (comme ils disent) tombés lors des attentats de Boko Haram est d'abord celle des Camerounais et de leurs dirigeants...Combien d'entre-eux se sentent réellement concernés par ce que vivent "les wagios", comme ils désignent les populations de l'extrême nord du Cameroun? Quand est-ce que le chef de l’État camerounais Paul BIYA a-t-il décrété ne serait-ce qu'une journée de deuil national ou rendu en personne un hommage mérité aux soldats camerounais tombés au front contre Boko Haram? Pourquoi voulons-nous que d'autres se montrent plus sensibles et compatissent plus que nous à nos souffrances?

Je refuse de participer à cette concurrence malsaine dans l'abomination, en relativisant voire en niant la souffrance de l'autre au motif que le terrorisme aurait fait moins de morts chez lui, ou alors qu'il serait resté médiatiquement indifférent devant «nos morts » (même si cette thèse est fausse au regard des aides financières et logistiques apportées notamment par la France au Cameroun depuis que ce pays fait face au terrorisme islamiste).

Je suis surtout triste de voir la cruauté et la méchanceté gratuite que nombre de Camerounais témoignent envers ceux qu'ils considèrent - à bien y penser - comme des forçats de la migration internationale (leur diaspora), assignés uniquement aux transferts alimentaires pour les familles restées au Cameroun, sans jamais revendiquer le moindre droit (notamment la reconnaissance de la double nationalité), pas plus qu'il leur est permis de faire état de leur émotion ou souffrance relativement à des attentats où ils auraient eux-aussi pu y laisser la vie.

L'inhumanité prégnante dans la société Camerounaise fait peur et laisse simplement sans voix.

Ci-dessous un échantillon du fameux "ils l'ont bien cherché", que l'on peut lire sur les réseaux sociaux depuis le vendredi 13 novembre dernier, parfois y compris chez de respectables chroniqueurs politiques au Cameroun ou en Afrique noire francophone ....

Il y a certainement des vérités (notamment sur l'égarement en Libye) dans l'argumentation  reproduite ici (sans son accord) de M. Xavier Messe, Directeur de publication du quotidien Mutations au Cameroun. Mais force est de constater qu'elle souffre d'une certaine cécité, notamment par rapport à la profondeur de la menace globale, à laquelle nous sommes tous exposés aujourd'hui.

Mais bon l'auteur de ces lignes me répondra vraisemblablement aussi que "c'est à cause de la France".

Tellement confortable comme position!


Joël Didier Engo


Les tueries du Bataclan et d'ailleurs










Xavier Messe À Tiati
10 h·17 nov. 2017


Les tueries perpétrées par des kamikazes djihadistes vendredi 13 novembre dans le 11eme arrondissement de Paris, et aux abords du stade de France de Saint Denis, dans le département Seine-Saint- Denis ont été évoquées par un enseignant. Ce fut pendant un cours dispensé à l'université de Yaoundé 2 Soa. Un étudiant demanda la parole à son enseignant, il dit ceci :

" Monsieur, ces innocents qui se distrayaient au Bataclan, ceux qui dînaient dans des restaurants ou d'autres qui vivaient leur passion du football, tous ces gens paisibles n'avaient rien fait de mal pour mériter d'être massacrés par des fanatiques religieux. . . Mais que voulez-vous d'autre ? Le président français François Hollande avait annoncé clairement à ses compatriotes qu'il engageait son pays dans les guerres à connotation religieuse en Irak, au Mali et en Syrie... Il est en Afghanistan. Dans ces théâtres de combats, les télévisions ne nous montrent pas les dégâts humains causés par les frappes des avions Rafales. Ils y font pourtant des morts par dizaines par jour. Entre temps, Rfi, France24 ou Euronews nous arrosent des succès militaires français dans ces zones. Ces puissants moyens d'information créent en chacun de nous une très vive émotion et l'émoi partagé sur les drames du 13 novembre..."


La réaction générale des étudiants dans cet amphi semblait être globalement celui de leur camarade. Un chauffeur de taxi, leader dans son milieu professionnel, avait une position similaire à celle de l'étudiant de Soa. Il ne s'agit pas là d'un échantillon scientifique observé. Mais c'est tout de même un indicateur non négligeable de l'appréciation du public africain du drame des Français depuis vendredi 13 novembre. La dimension de l'horreur et la froideur des assaillants qui ont frappé en quelques minutes en six points différents, tué environ 130 personnes, plus de 352 blessés graves, dont certains sont encore dans un état sceptique.


Il s'agit de la pire attaque terroriste qui ait jamais frappé la France. Elle a été revendiquée samedi par l'organisation de l'État islamique en Irak et en Syrie. Dans son communiqué, cette organisation a promis de frapper à nouveau la France, parce que dit-elle, " la France tue les frères en Irak et en Syrie avec ses avions". Ces tueries ont créé un traumatisme collectif dans l'Hexagone. Elles ont pour un instant, mis en veilleuse les clivages et les joutes politiques, pour laisser pleurer les politiques à l'unisson.


De l'empire carolingien à la France d'aujourd'hui, en passant par la Gaule, le peuple de cette partie du monde s'est construit et s'est soudé à travers des aventures guerrières. L'épée hier et l'avion Rafale aujourd'hui, ces objets de guerre font partie de la culture française. Si Charles Martel est le héros qui a repoussé à Poitiers la pénétration arabe dans la Gaule, les aventures de Napoléon en Crimée, à Wagram, à Sébastopol et sa déculottée à Waterloo, sont encore relues par les Français de ce jour comme des instants de gloire de leur armée. Dien Bièn Phu, Afghanistan en Asie, l'Algérie, Kolwezi, Mali ou Tchad en Afrique, Irak, Liban, Syrie au Moyen Orient, aucun de ces lieux où crépitent les armes n'a connu l'absence de la France. Souvent, elle a même été aux avant postes des opérations militaires.


Au-de là de ce goût de l'aventure militaire, la France, pour avoir initié la moralisation du monde à travers la Déclaration universelle des droits de l'Homme et des libertés, elle s'est auto-proclamée messie. Elle se croit porteuse des valeurs humaines universelles qu'elle a dessinées dans son document, selon sa vision du monde. Les autres peuples reconnaissent-ils en la France la mission de messie? On en doute aujourd'hui.

La France veut assumer des louables missions universelles sans avoir les moyens de sa politique. Ce pays n'a jamais été aussi grand aux yeux du monde que quand, Jacques Chirac, en 2003, alors président de la République, avait refusé d'être le caniche de George Bush pour aller déstabiliser l'Irak et assassiner son président Saddam Hussein. Aussitôt, elle a renoué avec son goût des aventures guerrières. Elle est allée déstabiliser la Libye et tuer grossièrement son président, Khaddafi sous le vulgaire prétexte d'éliminer un dictateur. La France pense ( à tort) qu'il lui revient cette autre mission de décider qui devrait être à la tête de certains États. Elle le fait avec succès en Afrique noire; elle voudrait le faire aussi dans une vieille nation comme la Syrie!

Dans ces aventures guerrières dont la France se veut le porte étendard de la planète depuis de millénaires, elle ne réalise plus que les peuples des Croisades ne sont plus ceux du 3ème millénaire. En voulant toujours aller faire la guerre hors de ses frontières, elle expose sa population innocente. C'est elle qui paye pourtant le prix. Après les massacres de Charlie Hebdo en janvier dernier, voilà encore des victimes du 13 novembre. Ces victimes paient aussi de leur sang les bombardements français en Afghanistan, en Libye, en Irak en Syrie. Ces bombardements ne détruisent pas que des maisons. Des vies humaines les subissent aussi. L'étudiant de Soa l'avait constaté samedi dernier.

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