Ne jamais oublier la cruauté dont sont capables des êtres humains,
lorsqu'ils sont notamment gagnés par la haine raciste et antisémite.
Plus jamais ça!
Joël Didier Engo
Le 21 janvier 2006, le début du calvaire d'Ilan Halimi
BFMTV 21/01/2016
Il y a dix ans, Ilan Halimi, un jeune Français de confession juive, était enlevé et torturé avant d'être abandonné à l'agonie, trois semaines plus tard, nu et menotté. Un crime antisémite perpétré par le "gang des barbares".
C'est désormais inscrit dans le marbre. "Ilan Halimi, victime de la
barbarie, de l'antisémitisme et du racisme", tels sont les mots inscrits
sur une plaque installée à Bagneux,
dans les Hauts-de-Seine, en mémoire de ce jeune Français de confession
juive tué en 2006 par le désormais célèbre "gang des barbares". Il y a
dix ans, jour pour jour, débutait un véritable calvaire pour le jeune
homme de 23 ans.
Le 20 janvier 2006, Ilan Halimi, vendeur dans une boutique
parisienne, est enlevé, puis séquestré dans un immeuble HLM de Bagneux
pendant plus de trois semaines. On le retrouvera nu, bâillonné et
menotté, trois semaines plus tard, agonisant le long des voies ferrées
du RER C, dans le département de l'Essonne. Il décédera lors de son
transfert à l'hôpital.
Le cliché antisémite Juif = argent
Pendant 24 jours, le jeune homme va subir l'horreur: son corps est
brûlé, marqué de nombreux hématomes, de plaies faites à l'arme blanche.
Ilan Halimi a été tondu. Au nom de quoi? De sa seule religion: le
judaïsme. Pour quelle raison? L'argent. Car pour le "gang des barbares",
être juif c'est avoir de l'argent. Une demande de rançon est
immédiatement adressée à la famille du jeune homme. Elle s'élève à
450.000 euros.
Les proches d'Ilan Halimi sont contactés à plusieurs reprises. Faute
de pouvoir payer, on leur envoie un enregistrement audio où ils
entendent leur fils en sanglots, et des photos de lui ensanglanté. Le 29
janvier, Youssouf Fofana, le leader du gang, appelle le rabbin Shélomo
Zini pour lui réclamer la rançon. Ce dernier se souvient avoir eu au
bout du fil "quelqu'un de très calme, très froid".
"Au début, j'ai même pensé qu'il s'agissait d'un canular. C'est quand
je me suis rendu compte avec quel sang-froid il avait parlé que je me
suis souvenu que, dans ma vie, les plus grands extrémistes que j'ai
connus étaient rarement violents", remarque le religieux, qui pense
avoir été contacté car il officiait "dans un quartier qui laissait
peut-être à penser que les gens donneraient plus d'argent".
La provocation de Fofana
A l'époque, la France découvre également avec horreur le visage de la
barbarie avec le visage de Youssouf Fofana. C'est lui qui a commandité
et orchestré le rapt et les séances de torture entre deux allers-retours
en Côte d'Ivoire. C'est d'ailleurs dans ce pays qu'il sera arrêté dans
la nuit du 22 au 23 février avant d'être extradé vers la France. Il sera
jugé trois ans plus tard, et écope de la réclusion à perpétuité,
assortie d'une peine de sûreté de 22 ans.
Devant la cour d'assises des mineurs de Paris, Youssouf Fofana joue
la carte de la provocation. Il apparaît souriant en lançant, un doigt en
l'air, "Allah Akbar". Quand on lui demande son identité, il répond
"arabe, africain, islamiste, salafiste", prétend être né le 13 février
2006, à Sainte-Geneviève-des-Bois: la date et le lieu de la mort d'Ilan
Halimi. Même après sa condamnation, il ne cesse de faire parler de lui.
Il a depuis été condamné à deux reprises pour avoir agressé ses gardiens en prison.
Un verdict controversé
Vingt-trois autres prévenus sont également condamnés par la cour
d'assises des mineurs de Paris à des peines diverses allant de six mois
avec sursis à 18 ans de prison. Deux autres sont acquittés. "La cour a
cependant été particulièrement indulgente avec les autres accusés",
dénonce alors l'avocat de la famille d'Ilan Halimi, Me Francis Szpiner.
Le crime est un défi pour la République et la société française." Le
parquet fait appel de la décision.
Au cours de ce second procès, la peine de neuf ans de prison d'Emma
Yalda, qui a séduit Ilan Halimi pour l'attirer dans ce piège, est
confirmée. Aujourd'hui âgée de 26 ans, elle a bénéficié d'une liberté
conditionnelle après avoir passé six ans en prison. Les principaux
autres responsables de ce crime sont toujours derrière les barreaux.
Montée des actes antisémites
Mais pour les observateurs, l'attitude de la justice est
symptomatique de celle de la société pendant cette affaire. "Le monde
juif a été très secoué par cette affaire et, à juste titre, les juifs de
France ont pu trouver que l'émotion exprimée dans la population n'était
pas à la hauteur", analyse Michel Wieviorka, spécialiste de
l'antisémitisme.
A l'époque, la prudence est de mise avant de considérer ce drame
comme un acte antisémite. "Si ce n’est pas de l’antisémitisme, qu’est-ce
que c’est? Imaginons qu’on enlève en France un musulman et que la
demande de rançon soit: 'Si votre famille ne peut pas payer cotisez-vous
dans les mosquées', ce sera bien évidemment un crime islamophobe",
dénonçait le politologue Jean-Yves Camus, sur RFI.
Ce crime reste comme l'un des indices de la montée des actes antisémites en France. Si en 2015, le nombre d'actes antisémites a diminué
de 5%, s'élevant ainsi à 806 faits constatés, comment oublier la tuerie
de Mohamed Merah, en 2012, contre une école juive à Toulouse ou la prise d'otages à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes par Amedy Coulibaly. Et souvent la vieille idée que les juifs ont de l'argent perdure: en décembre 2014, un jeune couple de confession juive a
été agressé et séquestré à son domicile à Créteil, dans le
Val-de-Marne. "De toute façon, les juifs, vous avez de l'argent chez
vous, vous ne le mettez pas à la banque", ont lancé les agresseurs.
Par Justine Chevalier
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