Le
navire de Génération identitaire qui prétend vouloir mettre un terme au
trafic d’êtres humains en Méditerranée est à l’arrêt au large des côtes
tunisiennes.
LE MONDE
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Par Audrey Travère
Au large des côtes tunisiennes, le C-Star, navire
antimigrants du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire, est
à l’arrêt depuis le lundi 7 août. Et pourrait bien le rester. Venu se
ravitailler dans le port de Zarzis, l’équipage s’est vu refuser
l’accostage par des marins locaux, répondant à l’appel du puissant syndicat l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) lancé sur Facebook : « A tous les agents et employés des ports tunisiens : ne laissez pas le bateau du racisme C-Star souiller les ports de Tunisie. »
L’opération maritime, démarrée début juillet, a pour but officiel de « contrecarrer les bateaux des ONG qui agissent à l’unisson avec les trafiquants d’êtres humains », selon Génération identitaire. Dans les faits, l’équipage, motivé par un racisme à peine voilé, n’a cessé d’aller de déconvenue en déconvenue. Le 1er août, Clément Galant, responsable français de l’opération, exposait dans une courte vidéo les objectifs de la mission, assurant face caméra : « Tout ce que nous faisons est légal. » Problème : ce n’est pas le cas. A l’aide du droit international et de l’association Human Rights at Sea, Les Décodeurs se sont penchés sur cette mission inutile, voire illégale.
En décembre 2016, le Financial Times révélait l’existence d’un rapport confidentiel de Frontex dans lequel l’organisation exprimait ses réserves quant aux activités des ONG dans la région, créant, selon elle, un « appel d’air ». D’après le journaliste britannique, l’agence européenne allait même jusqu’à accuser les associations de donner aux passeurs des « indications claires avant le départ sur des directions précises dans le but d’atteindre les bateaux des ONG ». Cet article a conduit la justice italienne à ouvrir une enquête en avril.
Un mois plus tard, le verdict tombe : le procureur de Catane (Sicile), saisi dans cette affaire, a déclaré ne détenir aucune preuve tangible pour étayer ces propos. Par ailleurs, en février, les associations ont spontanément rédigé un code de conduite à respecter lors des missions de sauvetage en mer, consacrant « l’humanité », « l’impartialité », la « transparence », la « neutralité » et « l’indépendance » comme valeurs principales de leur action.
Quant à la question de « l’appel d’air », un rapport datant de 2014, édité par Amnesty International, démontre que l’arrêt de la mission Mare Nostrum, à l’époque, n’avait eu aucun effet sur le nombre de migrants voulant rejoindre l’Europe. Bien au contraire : il a même augmenté, infirmant alors « le mythe selon lequel Mare Nostrum a agi comme un “facteur d’appel” ». Seul constat alors : le nombre de morts parmi les migrants était alors passé de un sur cinquante à un sur vingt-trois lors des trois premiers mois de 2015.
De son côté, la Libye ne fait pas partie des 145 pays signataires de la Convention de Genève et ne peut donc pas être contrainte à respecter cette règle. Actuellement, les juristes réfléchissent à une solution en la matière, mais rien n’est arrêté. Seule certitude, établie dans un rapport de l’Institut allemand des droits humains : « La Cours européenne des droits de l’homme (CEDH) interdit d’exposer les personnes à des violations graves des droits humains par des actions au-delà des frontières des Etats. Renvoyer dans un pays où la torture, les peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou menace le danger mortel, est ainsi interdit. »
Au-delà du cadre légal, les ONG se questionnent sur la moralité de la démarche : si Génération identitaire entend lutter contre le trafic d’êtres humains, pourquoi livrer les migrants aux garde-côtes libyens sérieusement soupçonnés d’entretenir des liens avec les passeurs ? Agir de la sorte condamne les réfugiés à subir de sévères violations de droits humains dans les geôles libyennes.
L’opération maritime, démarrée début juillet, a pour but officiel de « contrecarrer les bateaux des ONG qui agissent à l’unisson avec les trafiquants d’êtres humains », selon Génération identitaire. Dans les faits, l’équipage, motivé par un racisme à peine voilé, n’a cessé d’aller de déconvenue en déconvenue. Le 1er août, Clément Galant, responsable français de l’opération, exposait dans une courte vidéo les objectifs de la mission, assurant face caméra : « Tout ce que nous faisons est légal. » Problème : ce n’est pas le cas. A l’aide du droit international et de l’association Human Rights at Sea, Les Décodeurs se sont penchés sur cette mission inutile, voire illégale.
Les prétendus liens entre ONG et passeurs
Le principal argument avancé pour justifier l’opération est la lutte contre le trafic d’êtres humains. Ils accusent les ONG telles que SOS Méditerranée, Sea Watch ou encore Proactiva Open de « travailler de concert » avec les passeurs libyens et espèrent intercepter des communications en ce sens. C’est d’ailleurs ce qui a motivé ce week-end la manœuvre dangereuse du C-Star à proximité de l’Aquarius, bateau affrété par SOS Méditerranée pour les sauvetages en mer.- Pourquoi c’est voué à l’échec
En décembre 2016, le Financial Times révélait l’existence d’un rapport confidentiel de Frontex dans lequel l’organisation exprimait ses réserves quant aux activités des ONG dans la région, créant, selon elle, un « appel d’air ». D’après le journaliste britannique, l’agence européenne allait même jusqu’à accuser les associations de donner aux passeurs des « indications claires avant le départ sur des directions précises dans le but d’atteindre les bateaux des ONG ». Cet article a conduit la justice italienne à ouvrir une enquête en avril.
Un mois plus tard, le verdict tombe : le procureur de Catane (Sicile), saisi dans cette affaire, a déclaré ne détenir aucune preuve tangible pour étayer ces propos. Par ailleurs, en février, les associations ont spontanément rédigé un code de conduite à respecter lors des missions de sauvetage en mer, consacrant « l’humanité », « l’impartialité », la « transparence », la « neutralité » et « l’indépendance » comme valeurs principales de leur action.
Quant à la question de « l’appel d’air », un rapport datant de 2014, édité par Amnesty International, démontre que l’arrêt de la mission Mare Nostrum, à l’époque, n’avait eu aucun effet sur le nombre de migrants voulant rejoindre l’Europe. Bien au contraire : il a même augmenté, infirmant alors « le mythe selon lequel Mare Nostrum a agi comme un “facteur d’appel” ». Seul constat alors : le nombre de morts parmi les migrants était alors passé de un sur cinquante à un sur vingt-trois lors des trois premiers mois de 2015.
- Pourquoi c’est illégal
Aider les gardes-côtes libyens à ramener les migrants en Libye
Cet autre objectif assumé est sûrement le plus problématique. Sur son site, le groupuscule d’extrême droite entend agir comme un bateau de reconnaissance pour « donner l’alerte aux gardes-côtes libyens » en cas de naufrage. Le but étant, bien évidemment, de ramener les migrants « sur les côtes africaines », en Libye donc.- Pourquoi c’est problématique
« Aucun des Etats contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelqueDu fait de l’instabilité politique en Libye, les migrants renvoyés vers ce pays risquent de voir leur intégrité physique et morale gravement atteinte dans les centres de rétentions libyens. Or, de nombreux rapports d’ONG font état de « viols, tortures, exécutions et autres souffrances » dont sont victimes les réfugiés lors de leur incarcération. Par ailleurs, la plupart de ces gardes-côtes ne dépendent pas du gouvernement d’union nationale soutenu par les Nations unies, ouvertement défié dans tout le pays. Plusieurs milices régionales se sont formées pour défendre les intérêts de chefs autoproclamés, sur terre et en mer. Ainsi, il leur sera très difficile de rentrer en contact avec un interlocuteur crédible. Pourtant, il existe un flou juridique : le C-Star n’agit pas sur commande d’un pays ou d’une organisation supranationale, l’équipage ne peut donc pas être poursuivi sur cette base.
manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou
sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité,
de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »
De son côté, la Libye ne fait pas partie des 145 pays signataires de la Convention de Genève et ne peut donc pas être contrainte à respecter cette règle. Actuellement, les juristes réfléchissent à une solution en la matière, mais rien n’est arrêté. Seule certitude, établie dans un rapport de l’Institut allemand des droits humains : « La Cours européenne des droits de l’homme (CEDH) interdit d’exposer les personnes à des violations graves des droits humains par des actions au-delà des frontières des Etats. Renvoyer dans un pays où la torture, les peines ou traitements inhumains ou dégradants, ou menace le danger mortel, est ainsi interdit. »
Au-delà du cadre légal, les ONG se questionnent sur la moralité de la démarche : si Génération identitaire entend lutter contre le trafic d’êtres humains, pourquoi livrer les migrants aux garde-côtes libyens sérieusement soupçonnés d’entretenir des liens avec les passeurs ? Agir de la sorte condamne les réfugiés à subir de sévères violations de droits humains dans les geôles libyennes.
Couler les bateaux utilisés pour le trafic
En gage de bonne foi, la mission Defend Europe de Génération identitaire s’est engagée à couler les bateaux abandonnés ayant servi au transport illégal de migrants.- Pourquoi c’est inutile
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/08/09/navire-antimigrants-c-star-une-mission-inutile-voire-illegale_5170650_4355770.html#IdAoAGKjx3eGdBWZ.99
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