vendredi 29 juin 2018

POUR UN DROIT UNIVERSEL À LA MOBILITÉ INTERNATIONALE

Lire la publication ci-dessous d'Achille Mbembe pour comprendre pourquoi nous militons à NOUS PAS BOUGER en faveur d'un droit universel à la mobilité internationale, et le considère comme la marque du nouveau déséquilibre et de la plus grande injustice dans les rapports Nord-Sud du monde d'aujourd'hui.

Ça doit devenir la première revendication portée par les pays africains au sein de l'Union africaine(UA) et dans leurs relations bilatérales, comme a pu l'être le droit à l’autodétermination des anciennes colonies.


Achille Mbembe 

L’OBJECTIF FINAL DE LA POLITIQUE MIGRATOIRE EUROPÉENNE EST DE FAIRE DE L’AFRIQUE UN IMMENSE BANTOUSTAN

Nous évoquions tantôt les 13,000 Nègres-migrants abandonnés dans le désert du Sahara comme des déchets par le gouvernement algérien. 

Il faudrait y ajouter tous ceux et toutes celles qui ont succombé lors de la traversée du désert ou lors des innombrables opérations de refoulement-déportation-abandon engagées par les autorités marocaines; le chiffre (inconnu) de ceux et celles qui ont été vendu(e)s à l’encan sur les anciens-nouveaux marchés d’esclaves en Libye. Et celui de tous ceux et toutes celles qui sont parque(e)s dans des camps de fortune ou dans les prisons de maints États maghrébins.

Aujourd'hui, ce n’est pas en Méditerranée que se trouvent les frontières de l’Europe. C’est dans le Sahara. C’est au Niger. Au Burkina. À Gorée du Sénégal.
Et bientôt, qui sait où? 

Des puissances européennes (dont la France, mais elle n’est pas seule) y installent de nouveaux ‘postes’ ou ‘comptoirs’ ou l’on pèse des vies humaines, ou on les classifie, ou on sélectionne celles qu’il vaut la peine de protéger et ou on décide de celles qui sont jugées superflues.

Nous avons laissé faire. De quoi s’agit-il sinon d’un abandon de souveraineté? En retour de quoi sinon, comme il n’y a pas longtemps, de la quincaillerie?

Or l’Europe, elle sait de quoi il est question. L’idée, son idée à elle est de faire de chaque Nègre-migrant-potentiel un poste frontalier en soi. Une frontière portable. Mobile.

Que l’on ne se méprenne point sur ce qui est en jeu - la mise en place d’une nouvelle loi du monde, une nouvelle répartition de la Terre sur la base de la race.

L’idée est de faire en sorte que la frontière de l’Europe devienne pliable, plastique, élastique, collée au plus près du corps du migrant potentiel dont on s’efforce de bloquer le mouvement et d’empêcher ce que j’appelle ‘les circulations’.

Dans ce funeste projet sont enrôlés, comme cela a souvent été le cas dans notre histoire, des satrapies africaines - la longue histoire des collaborations de tout genre, à chaque épisode de notre asservissement, qu’il s’agisse de l’esclavage, de la colonisation ou de l’apartheid!

Il s’agit, de part en part, de faire de l’Afrique un immense ‘bantoustan’, une immense prison à ciel ouvert, comme il en existe d’ores et déjà ailleurs.

On veut ses richesses. Mais on ne veut surtout pas de ses gens, de “ces” gens-là!
L’idée est de reprendre, la ou on l’avait laissé, la logique coloniale du confinement, de l’enclavement des populations indésirables, de leur relégation dans des réserves, toutes sortes de hors-lieux, ou l’on peut expérimenter, à l’abri de tout regard et de tout jugement, les techniques d’effacement. 

Double prison donc, pour une terre non d’hommes et de femmes libres, mais de captifs. Fermeture du dehors, combinant le recours aux dernières technologies biométriques et militaires, et dont le terminus est la Méditerranée.

Et fermeture du-dedans, que symbolise bien l’immense dépotoir qu’est devenue le Sahara, l’enfer vivant ou d’innombrables vies laissées à l’abandon sont calcinées. 

Fermeture du-dedans, aussi, dont témoigne la cristallisation des frontières héritées de la colonisation, et dont nous avons ratifié, à nos propres dépens, l’intangibilité.

Or, nous le savons tous, cela ne peut pas tenir. 

Cela ne tiendra pas. 

D’ici le milieu de ce siècle, une très grande partie des habitants de la Terre sera composée d’Africains. On ne pourra tout simplement pas les parquer, tous, dans ces oripeaux de misère que sont nombre de nos États-bidons.

Il faudra ouvrir.

Il faut ouvrir l’Afrique de l’intérieur, du dedans. Afin qu’aucun Africain ne soit traité comme un étranger en Afrique.

Il faudra ouvrir l’Afrique - et avec elle l’ensemble de la Planète - à tous ses habitants.

Achille Mbembe

Un sommet européen (impromptu) a eu lieu jeudi 28 juin. Il se confirme que l'Europe entend utiliser les États maghrébins (Maroc, Tunisie, Libye, Algérie) ainsi que l’Égypte comme les gardes-chiourmes de sa politique anti-migratoire.

Avec la Turquie (pour le front oriental), le Maroc en particulier recevra un peu plus d'argent (sommes non spécifiées) pour refouler vers le sud (c'est-a-dire rejeter dans le désert du Sahara) les candidats (en gros subsahariens) à la migration.

Des postes de contrôlés seront érigés dans ces pays, ainsi qu'au Niger, dont la fonction sera d’opérer tris et autres sélections.

La guerre contre la mobilité se poursuit...

 

Migrants : ce que contient l’accord européen arraché à Bruxelles

Création de centres de contrôle, aides financières aux pays de départ. De fortes mesures sont annoncées mais leurs modalités d’application restent floues.

Par Maïlys Khider
Au terme d'une longue nuit de négociations à Bruxelles, les 28 dirigeants de l'Union européenne sont arrivés à un accord sur l'accueil des migrants. A 4h30 dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 juin, les discussions étaient bouclées, comme l'a annoncé Donald Tusk, président du Conseil européen.

Par voie de communiqué, le Conseil s'est dit "déterminé à poursuivre et à renforcer cette politique pour empêcher que ne se reproduisent les flux incontrôlés de 2015" et à endiguer les migrations illégales.

Emmanuel Macron s'est montré satisfait à la sortie du sommet en soutenant que cet accord était "d'abord le fruit d'un travail commun" et que la coopération européenne l'avait "emporté sur le choix d'un non-accord ou de décisions nationales qui n'auraient été ni efficaces ni durables". Voici ce que prévoit cet accord salué par l'ensemble des chefs d'Etats européens.
  • Création de plateformes de débarquement sur les côtes africaines
L'Union européenne s'est accordée pour créer des plateformes de débarquement des migrants hors de ses frontières pour ceux qui seront secourus en mer, ce afin de "mettre fin définitivement au modèle économique des passeurs" énoncent les conclusions du Conseil.

Débarquer les migrants doit éviter les querelles quant à l'accueil des bateaux qui arrivent au large des côtes européennes et demandent à accoster. Il s'agit "de supprimer l'incitation à entreprendre des voyages périlleux". Emmanuel Macron s'est exprimé en fin de matinée pour préciser que les centres de débarquement n'étaient pas "la panacée" mais que l'Europe devait continuer sa "coopération avec la Libye".
  • Renforcement de la coopération avec des pays tiers
Les pays membres de l'UE misent sur un renforcement des accords avec des pays tiers pour faire diminuer le nombre d'arrivants. L'accord avec la Turquie passé en 2016 devrait être renforcé. "Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour mettre en œuvre pleinement la déclaration UE-Turquie, prévenir de nouveaux franchissements à partir de la Turquie et mettre un terme au flux."

Un soutien financier devrait aussi aller à des pays d'émigration comme le Maroc, pour prévenir les départs illégaux. L'UE souhaite "mettre en place un partenariat avec l'Afrique visant une transformation substantielle sur continent" notamment en matière de développement. Les modalités des ces aides devraient être précisées "dans les semaines à venir" selon Emmanuel Macron.
  • Centres de contrôle en Europe 
Une mise en place de centres de "contrôle" sur le territoire de l'UE pour différencier rapidement "demandeurs d'asile et migrants en situation irrégulière" est prévue. Ces centres seraient installés "sur la base du volontariat". Pour l'heure, aucun Etat ne s'est porté volontaire pour accueillir ces "hot spots" sur son territoire.

Ce système doit permettre de gérer les bateaux humanitaires qui arrivent en leur évitant de stagner en Méditerranée durant des jours, comme cela a été le cas pour l'"Aquarius", bateau arrivé avec 630 passagers et refusé par la France, l'Italie et Malte avant de rejoindre l'Espagne. Emmanuel Macron a maintenu que "c'est le pays le plus proche qui doit être le port d'arrivée. Pour les pays d'arrivée, nous devons être plus solidaires et assurer une prise en charge européenne dès le premier jour."
  • Eviter les déplacements entre pays européens 
L'accord appelle à "prendre toutes les mesures" internes nécessaires pour éviter que les migrants ne se déplacent entre pays de l'UE, qui comptent "prendre toutes les mesures législatives et administratives internes nécessaires pour enrayer ces mouvements et coopérer étroitement à cette fin."

Pour mettre un terme à ces mouvements secondaires, "un consensus doit être trouvé au sujet du règlement de Dublin afin de le réformer sur la base d'un équilibre entre responsabilités et solidarité". Le règlement de Dublin prévoit que les arrivants doivent déposer leur demande d'asile dans leur pays d'arrivée, exerçant une pression considérable sur l'Italie et la Grèce.

La Commission européenne propose de déroger à ce texte en répartissant les demandeurs d'asile depuis leur lieu d'arrivé. L'Italie demande l'abandon simple de ce point du règlement de Dublin.

  • L'Italie satisfaite
Giuseppe Conte, président du Conseil italien, s'est dit soulagé que Rome ne soit plus "seule". Mais n'a pas encore décidé si l'Italie créerait des centres de contrôle et d'accueil. Son ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, a prudemment salué l'accord, tout en disant attendre des "engagements concrets".
L'Italie menaçait depuis jeudi soir de bloquer l'adoption des déclarations communes si elle n'obtenait pas de réponses sur les migrants. "C'était une longue négociation mais nous sommes satisfaits" a affirmé Matteo Salvini devant les journalistes présents à la sortie du Conseil.
Angela Merkel salue un texte positif mais des divergences persistent au sein de l'Union européenne. 

Maïlys Khider

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