vendredi 27 novembre 2015

Déchéance de nationalité: que veut changer le président Hollande?


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C’est l’un des enseignements que l’exécutif français veut tirer des attentats de Paris et Saint-Denis qui, le 13 novembre, ont fait 130 morts et 350 blessés. Dans son discours aux deux Chambres du Parlement réuni en Congrès à Versailles le 16 janvier, le chef de l’Etat a annoncé qu’il souhaitait élargir les critères de déchéance de nationalité pour inclure les binationaux nés français qui se seraient radicalisés.
Leur premier recours a été rejeté. Le juge des référés du Conseil d’Etat a refusé de suspendre les décrets de déchéance de nationalité de cinq hommes: quatre Marocains et un Turc condamnés pour leurs liens avec le groupe responsable des attentats de Casablanca en 2003. Fouad Charouali, Rachid Aït El Hadj, Bachir Ghoumid, Redouane Aberbri et Attila Turk font partie des huit Français déchus de leur nationalité depuis 2000. Une mesure pas encore définitive dans leur cas puisque tous les cinq ont également déposé un recours sur le fond : ils dénoncent un « excès de pouvoir ».

Déchéance prononcée par décret

C’est sur la base de l’article 25 du Code Civil que le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a signé ces décrets. L’article prévoit quatre cas dans lesquels la nationalité française peut être retirée : pour avoir porté atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, pour avoir commis, dans le cas d’un dépositaire de l’autorité publique, des abus d’autorité ou des manquements à ses devoirs, pour s’être soustrait à ses obligations de service national ou pour avoir commis des actes d’espionnage au profit d’un pays étranger. En matière de terrorisme, c’est le premier cas de figure qui est invoqué.

La déchéance de nationalité est prononcée par décret. Le texte est signé par le ministre de l’Intérieur après avis conforme du Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative. Mais il reste attaquable devant ce même Conseil d’Etat, comme l’ont fait Fouad Charouali, Rachid Aït El Hadj, Bachir Ghoumid, Redouane Aberbri et Attila Turk. Et un dernier recours peut-être déposé devant la Cour européenne des droits de l’homme.

La nationalité, un droit universel 

Mais la législation actuelle pose aussi des limites strictes à la déchéance de nationalité. La première est qu’elle ne peut concerner que des personnes qui ont une double nationalité. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 définit comme un droit universel de disposer d’une nationalité. D’autres textes internationaux ratifiés par la France interdisent aux États de rendre apatride un de leurs citoyens. Et la loi Guigou de 1998 retranscrit ce principe dans la législation française.

La seconde porte sur les délais dans lesquels cette déchéance doit intervenir. Les faits reprochés tout comme l’acquisition de la nationalité française ne peuvent être antérieurs au décret de déchéance de plus de dix ans. Un délai porté à quinze ans en matière de terrorisme par une loi de 2006. De ces deux dispositions, c’est la seconde que le président Hollande veut modifier : en matière de terrorisme, il entend étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés français et non aux seuls binationaux ayant acquis la nationalité française. 

Cela implique une modification de la loi, et même de la Constitution. Car le Conseil constitutionnel n’est pas opposé au principe de déchéance de nationalité mais il impose un délai dans lequel elle doit être prononcée. Or, c’est précisément ce délai que veut abolir le chef de l’État. Pour s’affranchir des limites fixées par le Conseil constitutionnel, François Hollande doit donc inscrire dans la loi fondamentale que la déchéance de nationalité peut concerner des individus nés français.

Inscrire la mesure dans la Constitution aurait également l’avantage d’éviter les procès en inconstitutionnalité. Car pour certains, introduire une déchéance de nationalité pour des binationaux nés français créé une «rupture d’égalité». Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, estime notamment que cela pourrait créer «deux catégories de citoyens», ceux « incontestables »et ceux« qui peuvent être contestés ». Un principe antirépublicain selon lui puisque « la République ne reconnaît qu'une seule et unique citoyenneté ».

 

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