Par Maxime Vaudano et
Les Décodeurs
Le Monde
| 04.09.2015
Un
drame quotidien qui se joue simultanément à toutes les frontières et
sur toutes les routes d’Europe, un défi d’accueil inédit pour l’Union
européenne, une source intarissable d’indignations, de polémiques et de
propositions pour la classe politique et les commentateurs : comment
rendre compte de la crise des migrants qui secoue notre continent depuis
2014, s’intensifiant chaque jour depuis cet été?
Des pays d’origine des migrants jusqu’à l’accueil final des réfugiés, en passant par les périlleuses routes de la migration, voici vingt cartes, graphiques et vidéos produites par Le Monde pour comprendre la situation.
La première méthode consiste à examiner la nationalité des personnes qui déposent officiellement une demande d’asile dans un pays de l’UE : sur les cinq premiers mois de l’année, les Syriens sont en tête, avec 68 200 demandeurs et 18,5 % des procédures.
La coïncidence entre le début de la guerre en Syrie et la
recrudescence de réfugiés en Europe ne laisse d’ailleurs guère de doute
sur le poids que revêt ce conflit dans la situation actuelle.
La Syrie est aujourd’hui le pays du monde qui compte le plus de
réfugiés parmi ses nationaux (34 %), selon le Haut-Commissariat aux
réfugiés (HCR) des Nations unies (qui considère comme réfugié toutes les
personnes qui demandent ce statut, que l’issue de la procédure soit
positive ou négative):
Un constat que l’on retrouve en France, où les Syriens étaient la première nationalité des admis au droit d’asile en 2014 :
Pour prendre conscience de l’ampleur de cette situation en termes d’ordre de grandeur : si la population syrienne était équivalente à celle de la France, 32,5 millions de personnes auraient été déplacées par le conflit.
Le décompte des morts en Méditerranée réalisé par l’Office
international des migrations (OIM), bien que non exhaustif, constitue
une autre fenêtre sur l’origine des migrants. On voit qu’ils proviennent
en proportions égales de l’Afrique subsaharienne (Erythrée, Nigeria),
de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
L’agence Frontex, qui surveille les frontières de l’Union européenne, estime que 60 % des entrées illégales sur le territoire européen ont eu lieu en 2014 par la Méditerranée centrale, c’est-à-dire en Italie et Malte.
La périlleuse traversée maritime sur des embarcations souvent
fragiles constitue une nouvelle épreuve pour des migrants qui ont déjà
derrière eux un long périple. Ainsi, les Erythréens, qui fuient la
« prison à ciel ouvert » qu’est devenu leur pays, doivent-ils traverser
le Soudan-du-Sud et le Soudan avant de se mettre en quête d’un bateau en
Egypte, en Libye ou en Tunisie.
Toujours selon Frontex, un migrant sur cinq tente de pénétrer en
Europe par l’est de la Méditerranée, soit en arrivant par la mer sur les
îles grecques, soit en transitant par voie terrestre par la Turquie.
Beaucoup s’engagent ensuite dans une longue traversée des Balkans afin
de rejoindre l’Europe du nord.
Un défi qui se complique à mesure que les pays européens renforcent
la protection de leurs frontières, recourant de plus en plus à des murs
pour tenter d’endiguer l’afflux de migrants et de réfugiés :
La
France, qui ne reçoit aucune embarcation sur ses côtes, trop lointaines
de l’Afrique, voit arriver des migrants par ses frontières terrestres
(Espagne, Italie, Allemagne, Belgique). Pour beaucoup, notre pays n’est
qu’une terre de transit vers le Royaume-Uni.
Résultat : six ans après son démantèlement, la « jungle » de Calais accueille toujours davantage de demandeurs d’asile cherchant à traverser la Manche.
Une
fois de plus, il est impossible de fournir un décompte précis des pays
de destination des migrants arrivés en Europe. Tout au plus peut-on
examiner les dépôts de demandes d’asile, qui n’embrassent que la partie
immergée de l’iceberg. A cet égard, l’Allemagne est de loin la plus
sollicitée, avec 121 000 premières demandes déposées sur les cinq
premiers mois de 2015. Berlin s’attend même à un total record de 800 000
demandes sur l’ensemble de l’année, soit quatre fois plus qu’en 2014.
Sortir du cadre européen offre un éclairage intéressant sur l’impact de ces mouvements. Contrairement à ce que l’on entend parfois, les premiers à prendre leur part dans l’accueil des réfugiés du Proche et du Moyen-Orient (Irak, Syrie) sont les pays limitrophes. Le Liban accueille actuellement ainsi 1,1 million de réfugiés, l’équivalent d’un quart de sa population.
La Méditerranée est de loin le passage le plus meurtrier du monde. L’an passé, les 2 510 000 kilomètres carrés de la mer reliant l’Afrique à l’Europe auraient concentré plus des trois quarts des disparitions de migrants, loin devant la frontière Mexique-Etats-Unis (5 %) ou le golfe du Bengale (5 %), selon l’Office international des migrations.
Sur les huit premiers mois de l’année 2015, l’OIM a recensé 2 432 morts en Méditerranée, pour 323 000 personnes arrivées vivantes sur les côtes italiennes, maltaises, grecques et espagnoles. A ce rythme-là, le triste record de 2014 devrait être largement battu en fin d’année.
Une hécatombe encore sous-estimée, de l’aveu même de l’OIM. Le collectif d’investigation internationale The Migrant Files, plus exhaustif, a déjà dénombré cette année plus de 3 000 morts aux frontières de la « forteresse Europe ».
Des pays d’origine des migrants jusqu’à l’accueil final des réfugiés, en passant par les périlleuses routes de la migration, voici vingt cartes, graphiques et vidéos produites par Le Monde pour comprendre la situation.
1. L’origine
D’où viennent les migrants?
Il
est bien entendu impossible d’offrir un panorama exact des centaines de
milliers de personnes qui ont atteint ces derniers mois l’Europe, car
beaucoup restent sur les routes ou dans la clandestinité, sans parler de
ceux qui ont laissé leur vie dans le voyage.La première méthode consiste à examiner la nationalité des personnes qui déposent officiellement une demande d’asile dans un pays de l’UE : sur les cinq premiers mois de l’année, les Syriens sont en tête, avec 68 200 demandeurs et 18,5 % des procédures.
Un constat que l’on retrouve en France, où les Syriens étaient la première nationalité des admis au droit d’asile en 2014 :
Pour prendre conscience de l’ampleur de cette situation en termes d’ordre de grandeur : si la population syrienne était équivalente à celle de la France, 32,5 millions de personnes auraient été déplacées par le conflit.
2 Les routes
Par où passent les migrants ?
Si
la Méditerranée constitue la porte d’entrée privilégiée pour les
migrants en quête d’Europe, il ne faut pas négliger la voie terrestre,
utilisée principalement par les Afghans et les ressortissants des
Balkans.L’agence Frontex, qui surveille les frontières de l’Union européenne, estime que 60 % des entrées illégales sur le territoire européen ont eu lieu en 2014 par la Méditerranée centrale, c’est-à-dire en Italie et Malte.
Résultat : six ans après son démantèlement, la « jungle » de Calais accueille toujours davantage de demandeurs d’asile cherchant à traverser la Manche.
3. La destination
Où les migrants s’établissent-ils?
Sortir du cadre européen offre un éclairage intéressant sur l’impact de ces mouvements. Contrairement à ce que l’on entend parfois, les premiers à prendre leur part dans l’accueil des réfugiés du Proche et du Moyen-Orient (Irak, Syrie) sont les pays limitrophes. Le Liban accueille actuellement ainsi 1,1 million de réfugiés, l’équivalent d’un quart de sa population.
Explorez les chiffres :
Le nombre de migrants et de réfugiés a explosé au XXIe siècle dans le monde
4. Les morts
Comment meurent les migrants ?
L’actualité en offre tous les jours des illustrations dramatiques : nombreux sont ceux qui échouent aux portes de l’Europe, noyés après un naufrage ou asphyxiés dans des camions.La Méditerranée est de loin le passage le plus meurtrier du monde. L’an passé, les 2 510 000 kilomètres carrés de la mer reliant l’Afrique à l’Europe auraient concentré plus des trois quarts des disparitions de migrants, loin devant la frontière Mexique-Etats-Unis (5 %) ou le golfe du Bengale (5 %), selon l’Office international des migrations.
Sur les huit premiers mois de l’année 2015, l’OIM a recensé 2 432 morts en Méditerranée, pour 323 000 personnes arrivées vivantes sur les côtes italiennes, maltaises, grecques et espagnoles. A ce rythme-là, le triste record de 2014 devrait être largement battu en fin d’année.
Une hécatombe encore sous-estimée, de l’aveu même de l’OIM. Le collectif d’investigation internationale The Migrant Files, plus exhaustif, a déjà dénombré cette année plus de 3 000 morts aux frontières de la « forteresse Europe ».
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Les Décodeurs
Journaliste au Monde
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