Rédigé par Nicolas Bourgoin | http://www.saphirnews.com, Vendredi 30 Octobre 2015
On s’en souvient (peut-être), c’était l’une des nombreuses promesses du candidat Hollande vite enterrées
: la délivrance systématique d’un récépissé à chaque contrôle
d’identité. Le gouvernement socialiste avait rapidement renoncé à cette
mesure sous la pression des syndicats de policiers qui avaient vu dans
ce formalisme imposé une suspicion à l’endroit des forces de l’ordre,
soupçonnées de réaliser leurs contrôles sur des critères ethniques.
Le choix du gouvernement de se pourvoir en cassation contre la décision de la cour d’appel de Paris du 24 juin dernier condamnant l’État pour « faute lourde » en raison de contrôles d’identité discriminatoires est un nouveau palier franchi dans l’échelle des renoncements.
Et les conséquences sont prévisibles : en supposant que les principes d’égalité et de non-discrimination ne s’appliquent pas aux contrôles de routine, le gouvernement légalise de fait les contrôles au faciès en donnant un blanc-seing aux policiers. Une manière originale de fêter le 10e anniversaire des émeutes de 2005 dont l’origine était justement un contrôle d’identité ayant mal tourné ? Ce hasard de calendrier n’en est sans doute pas un.
Le choix du gouvernement de se pourvoir en cassation contre la décision de la cour d’appel de Paris du 24 juin dernier condamnant l’État pour « faute lourde » en raison de contrôles d’identité discriminatoires est un nouveau palier franchi dans l’échelle des renoncements.
Et les conséquences sont prévisibles : en supposant que les principes d’égalité et de non-discrimination ne s’appliquent pas aux contrôles de routine, le gouvernement légalise de fait les contrôles au faciès en donnant un blanc-seing aux policiers. Une manière originale de fêter le 10e anniversaire des émeutes de 2005 dont l’origine était justement un contrôle d’identité ayant mal tourné ? Ce hasard de calendrier n’en est sans doute pas un.
Des pratiques discriminatoires banalisées
Pour la première fois dans son Histoire, l’État français a été condamné il y a quatre mois pour faute lourde sur des « contrôles d’identité de routine »
effectués par des policiers. Cinq des treize plaignants, tous d’origine
maghrébine ou subsaharienne, avaient obtenu gain de cause. Une telle
décision aurait dû réjouir l’ex-candidat Hollande qui avait fait de la
lutte contre les contrôles discriminatoires l’un de ses chevaux de
bataille électoraux. Loin s’en faut. Contre toute attente, et sous la
pression du Premier ministre, le gouvernement s’est élevé contre cette
décision, considérant que les règles relatives à l’égalité et à la
non-discrimination ne s’appliquaient pas aux contrôles d’identité,
fabriquant ainsi une sous-population de parias contrôlables à merci.
Difficile de ne pas voir dans son pourvoi en cassation un encouragement
donné aux forces de l’ordre à poursuivre ces pratiques discriminatoires .
Et elles sont totalement banalisées. Une récente étude réalisée sur des sites parisiens a confirmé que les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence ethnique. Selon la zone géographique, les Noirs ont entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que les Blancs de faire l’objet d’un contrôle, les Arabes entre 1,8 et 14,8 fois plus de risques. Ces pratiques ne sont pas seulement humiliantes pour les populations concernées mais sont aussi facteurs de tensions avec les forces de l’ordre pouvant conduire, par effets de réaction en chaîne, à de véritables émeutes.
Il est bon de rappeler que l’embrasement des banlieues françaises pendant l’automne 2005 a été la conséquence d’un simple contrôle d’identité ayant mal tourné. Les émeutes de Trappes lors de l’été 2013 ou celles de Mayotte du mois dernier en sont des exemples plus récents.
Et elles sont totalement banalisées. Une récente étude réalisée sur des sites parisiens a confirmé que les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence ethnique. Selon la zone géographique, les Noirs ont entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que les Blancs de faire l’objet d’un contrôle, les Arabes entre 1,8 et 14,8 fois plus de risques. Ces pratiques ne sont pas seulement humiliantes pour les populations concernées mais sont aussi facteurs de tensions avec les forces de l’ordre pouvant conduire, par effets de réaction en chaîne, à de véritables émeutes.
Il est bon de rappeler que l’embrasement des banlieues françaises pendant l’automne 2005 a été la conséquence d’un simple contrôle d’identité ayant mal tourné. Les émeutes de Trappes lors de l’été 2013 ou celles de Mayotte du mois dernier en sont des exemples plus récents.
Des stéréotypes de l’imaginaire colonial mobilisés
Comment comprendre l’acharnement de Manuel Valls à défendre coûte
que coûte des méthodes policières non seulement inutiles mais
contre-productives ? Les contrôles d’identité ont aussi et surtout une
dimension symbolique. Comme nous l’avons montré par ailleurs, ils sont
l’occasion de réaffirmer la force brute du pouvoir étatique et policier
sur des populations socialement dominées. Ciblant pour l’essentiel la
jeunesse issue de l’immigration maghrébine, ces pratiques renvoient au
registre colonial dans lequel puisent d’ailleurs abondamment les médias
quand il s’agit d’évoquer la situation dans les banlieues.
Le vocabulaire généralement employé par les journalistes ou les politiques pour qualifier les problèmes de sécurité dans les quartiers populaires – défaut d’intégration, zones grises ou de non-droit à reconquérir, sauvageons, etc. – leurs références à l’ethnicité des auteurs de violence ou aux « valeurs » de la République ainsi qu’à l’objectif affiché de « reconquête de territoires perdus » rappellent les stéréotypes de l’imaginaire colonial qui font du jeune émeutier un « ennemi de l’intérieur ». Le choix de Nicolas Sarkozy de décréter l’état d’urgence pendant les émeutes de 2005 a été ainsi une façon de réaffirmer l’autorité de l’État face à une situation insurrectionnelle rappelant les révoltes anticoloniales. Il a fait désormais de cette mesure réduisant les libertés fondamentales et renforçant les pouvoirs de police, instituée pour la première fois en 1955 pour libérer l’armée des contraintes juridiques du temps de paix et réprimer la résistance algérienne, un moyen de contrôle des quartiers populaires en situation de crise.
Le vocabulaire généralement employé par les journalistes ou les politiques pour qualifier les problèmes de sécurité dans les quartiers populaires – défaut d’intégration, zones grises ou de non-droit à reconquérir, sauvageons, etc. – leurs références à l’ethnicité des auteurs de violence ou aux « valeurs » de la République ainsi qu’à l’objectif affiché de « reconquête de territoires perdus » rappellent les stéréotypes de l’imaginaire colonial qui font du jeune émeutier un « ennemi de l’intérieur ». Le choix de Nicolas Sarkozy de décréter l’état d’urgence pendant les émeutes de 2005 a été ainsi une façon de réaffirmer l’autorité de l’État face à une situation insurrectionnelle rappelant les révoltes anticoloniales. Il a fait désormais de cette mesure réduisant les libertés fondamentales et renforçant les pouvoirs de police, instituée pour la première fois en 1955 pour libérer l’armée des contraintes juridiques du temps de paix et réprimer la résistance algérienne, un moyen de contrôle des quartiers populaires en situation de crise.
Outil de la ségrégation ethnique
En défendant le principe de contrôles discriminatoires, Manuel
Valls marche clairement dans les pas de l’ex-président. Mais cette prise
de position est peu surprenante de la part d’un politique qui soutient
inconditionnellement Israël (et ses pratiques d’apartheid) et qui a fait
de la lutte contre le port du voile dans l’espace public l’une de ses
priorités, considérant que cette question relevait d’un débat sur la
condition des femmes. Cette instrumentalisation de la cause féministe à
des fins discriminatoires qui ne manque pas d’évoquer le combat
politique de Ni putes ni soumises, fait écho à la cérémonie du
dévoilement à Alger de 1958 quand des musulmanes ont été contraintes de
brûler leur voile en signe de désolidarisation d’avec la résistance
algérienne.
La République contre ses barbares intérieurs. Le schéma qui sous-tend le contrôle obsessionnel des populations issues de l’immigration post-coloniale est bien celui du choc des civilisations renvoyant dos-à-dos islam conquérant et civilisation judéo-chrétienne, modèle que partage l’essentiel de la classe politique à quelques nuances près. En ces temps de crise économique et de reculs sociaux tous azimuts, la tentation du recours à la bonne vieille tactique du bouc émissaire se fait plus pressante. Le contrôle au faciès, outil de la ségrégation ethnique, sert trop bien ce projet pour être jeté aux oubliettes.
La République contre ses barbares intérieurs. Le schéma qui sous-tend le contrôle obsessionnel des populations issues de l’immigration post-coloniale est bien celui du choc des civilisations renvoyant dos-à-dos islam conquérant et civilisation judéo-chrétienne, modèle que partage l’essentiel de la classe politique à quelques nuances près. En ces temps de crise économique et de reculs sociaux tous azimuts, la tentation du recours à la bonne vieille tactique du bouc émissaire se fait plus pressante. Le contrôle au faciès, outil de la ségrégation ethnique, sert trop bien ce projet pour être jeté aux oubliettes.
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