Aïssa Sago, la "tata": "La gauche compatit, mais qu'a-t-elle fait de concret?"
Par l'OBS,
Ils sont ministre, élu, avocat, ex-star du foot, grand frère d'un des adolescents électrocutés ou jeune ayant participé aux émeutes de 2005 : ils nous ont confié leurs souvenirs de ces événements.
27 octobre 2005, Clichy-sous Bois. Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, meurent électrocutés après une course-poursuite avec la police.
Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, prétend alors que les
enfants sont des voleurs. A tort. Les amis des adolescents, leurs
voisins, la jeunesse des quartiers populaires, ripostent par des émeutes
qui, comme une traînée de poudre solidaire, se propagent à des
centaines de villes partout en France.
Les images de voitures enflammées, d'Abribus couchés, de CRS en faction et de jeunes encapuchonnés font le tour du monde. La France apparaît comme un pays en guerre civile. Le gouvernement décrète l'état d'urgence. Plus de 6.000 personnes sont interpellées, 30 communes instaurent un couvre-feu.
Dix ans après, que reste-t-il de ces affrontements? La justice a relaxé les policiers. Des personnes ont été, par leur fonction, leur histoire ou le hasard, touchées au plus près. La "tata" Aïssa Sago se souvient.
∗ ∗ ∗
Le
garage Renault d'Aulnay-sous-Bois venait de partir en fumée. Les
poubelles flambaient. Aïssa Sago s'est sentie "presque découragée". Tout
aurait pu s'interrompre brutalement. Cela faisait cinq ans qu'elle
s'activait auprès des familles de la Cité des 3.000, à la fois
interprète, médiatrice et décodeuse des us étranges de l'administration
française. Un engagement bénévole devenu un métier, par altruisme et...
intérêt.
J'ai grandi à Antony dans une cité qui
n'avait rien d'un ghetto. En arrivant ici, j'ai eu l'impression de vivre
l'apartheid. Il n'y avait que des étrangers, beaucoup de gens ne
maîtrisaient pas la langue.
Je me suis dit: 'Si je reste, je dois agir pour créer un environnement sain autour de mes enfants.'"
Aïssa
Sago a donc "agi" cinq ans durant, son Association des Femmes Relais
est devenue une structure phare du département. Puis sont venues les
émeutes. "Je voyais des petits de 13-14 ans faire n'importe quoi dans la
rue. Leurs parents laissaient faire, voire les excusaient."
Un travail loin d'être terminé
Elle
a "appelé tout le monde" et prévenu : "Si ça ne cesse pas, on arrête !"
Le lendemain, la tension a baissé d'un cran, les familles sont venues
au local. "Ça a eu un effet déclencheur. Elles se sont impliquées
davantage." En dix ans, les cours d'alphabétisation ont décollé,
passant de 15 à 120 parents, l'aide aux devoirs, itou. Les rapports avec
les institutions, dont l'école, s'en sont mieux portés.
Le
travail, pour autant, est loin d'être terminé. Malgré la rénovation
urbaine, le "business" reste omniprésent, les copains d'enfance, trop
souvent, ont mal tourné. Et Aïssa Sago est une mère atypique. Ses fils
aînés, qui ont la vingtaine, lui ont avoué qu'ils avaient eu
l'impression d'"être prisonniers" à ses côtés. Et la petite dernière,
scolarisée dans le privé, lui "en veut terriblement" de la couper du
quartier.
D'autant que "Tata" Aïssa s'est engagée
auprès du très sarkozyste Bruno Beschizza, dont elle est l'adjointe aux
Affaires sociales depuis un an.
J'y ai longuement réfléchi. La gauche compatit, mais qu'a-t-elle fait de concret ? La droite, elle, est parfois brutale dans ses propos, mais vous force à bouger."
Elsa Vigoureux et Gurvan Le Guellec
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