Par
Pierre Olivier, Radio France Internationale (RFI)
C’est le premier rapport sur les travailleurs
migrants publié par l’Organisation mondiale du travail. Sur 100 pages,
l’OIT analyse la répartition et les secteurs d’activités des migrants.
Du cadre américain parti s’installer à Shanghaï au Sénégalais qui
entreprend une nouvelle carrière en Europe, plusieurs faits inattendus y
sont révélés.
Depuis plus d’un
an, l’OIT, basée à Genève, collecte, recoupe, analyse des milliers de
données venues de 179 pays. Première information, sur 232 millions de migrants,
150 millions sont considérés comme travailleurs migrants. N’entrent
dans cette catégorie que ceux qui exercent un emploi ou en recherchent
activement un, dans un pays différent de celui où ils sont nés. Sur
l’ensemble de cette population, on compte un peu plus de femmes (55,7%)
que d’hommes (44,3%). Mais ce n’est pas le phénomène le plus marquant.
Les pays riches en tête
Pourtant précis, le rapport de l’OIT n’indique pas les pays d’origine des travailleurs migrants mais uniquement les pays où ils résident. Sans surprise, plus de 74% se trouvent dans des pays à hauts revenus, contre 2,4% dans les pays à bas revenus. En tête, les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest et du Sud accueillent à eux seuls plus de 50% des travailleurs migrants. Mais le phénomène est sensible sur une vaste partie du globe. L’Asie du Sud, les pays du Golfe ou encore l’Europe de l’Est attirent eux aussi beaucoup.
Les migrants plus actifs
Le taux d’activité chez les migrants est plus élevé que dans le reste des populations nationales. Ainsi, si 72,7% des migrants exercent une activité, le pourcentage tombe à 63,9% chez les non-migrants. Plusieurs raisons expliquent le phénomène. D'abord, certains migrants exercent des professions parfois boudées par les nationaux. C’est le cas des postes dans l’industrie ou l’agriculture. Souvent moins rémunérateurs et plus pénibles, ils intéressent moins les non-migrants des pays à hauts-revenus. L’autre explication, c’est la part des femmes dans les activités exercées. 67% des femmes migrantes travaillent contre 50,8% des femmes non-migrantes. Un écart considérable mais quasiment imperceptible chez les hommes. 78% de migrants actifs, contre 77,2% d’actifs chez les non-migrants. Là encore, ce sont surtout à travers des activités moins rémunératrices comme les travaux domestiques que se joue la différence chez les femmes.
71% travaillent dans les services
C’est peut-être l’information du rapport de l’OIT la plus inattendue. Mais elle demande à être contrastée. Bien sûr l’étude prend en compte l’exemple d’un cadre Britannique qui partirait travailler à Washington. Mais sur 150 millions de migrants travailleurs, tous ne sont pas cadres. Et pourtant, 71,1% sont considérés par l’OIT comme travaillant dans les services. Secteur tertiaire à forte valeur ajoutée. Un chiffre qu’il est nécessaire d’analyser. D'abord l’OIT a choisi de regrouper sous le même intitulé un spectre de services assez large. Cela va du garagiste au trader financier en passant par le médecin humanitaire. Or, le niveau de formation entre ces différents métiers varie énormément. Autre élément, le travail domestique est lui aussi comptabilisé comme un service. Autrement dit, une Philippine, par exemple, qui exerce comme femme de chambre en Asie du Sud ou dans les pays du Golfe, sera considérée comme travaillant dans les services. Des facteurs qui expliquent la part si importante qu’occupent les migrants dans les services. Contre seulement 26% pour industrie et la construction.
Un rapport doublement utile
L’Organisation mondiale du travail note que ce rapport, le premier du genre aussi complet, permettra de prendre « des décisions utiles et éclairées pour améliorer la condition des migrants partout dans le monde, notamment dans le cadre du Programme de développement durable pour 2030 ». Un enjeu important à l’heure où les flux migratoires et les dynamiques sont de plus en plus complexes et importants. Enfin, alors que certains pays traversent une phase de questionnement politique intense et quand les questions d’immigration clivent la société, le recours à des données indépendantes et fiables pourrait permettre un débat apaisé et productif.
Les pays riches en tête
Pourtant précis, le rapport de l’OIT n’indique pas les pays d’origine des travailleurs migrants mais uniquement les pays où ils résident. Sans surprise, plus de 74% se trouvent dans des pays à hauts revenus, contre 2,4% dans les pays à bas revenus. En tête, les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest et du Sud accueillent à eux seuls plus de 50% des travailleurs migrants. Mais le phénomène est sensible sur une vaste partie du globe. L’Asie du Sud, les pays du Golfe ou encore l’Europe de l’Est attirent eux aussi beaucoup.
Les migrants plus actifs
Le taux d’activité chez les migrants est plus élevé que dans le reste des populations nationales. Ainsi, si 72,7% des migrants exercent une activité, le pourcentage tombe à 63,9% chez les non-migrants. Plusieurs raisons expliquent le phénomène. D'abord, certains migrants exercent des professions parfois boudées par les nationaux. C’est le cas des postes dans l’industrie ou l’agriculture. Souvent moins rémunérateurs et plus pénibles, ils intéressent moins les non-migrants des pays à hauts-revenus. L’autre explication, c’est la part des femmes dans les activités exercées. 67% des femmes migrantes travaillent contre 50,8% des femmes non-migrantes. Un écart considérable mais quasiment imperceptible chez les hommes. 78% de migrants actifs, contre 77,2% d’actifs chez les non-migrants. Là encore, ce sont surtout à travers des activités moins rémunératrices comme les travaux domestiques que se joue la différence chez les femmes.
71% travaillent dans les services
C’est peut-être l’information du rapport de l’OIT la plus inattendue. Mais elle demande à être contrastée. Bien sûr l’étude prend en compte l’exemple d’un cadre Britannique qui partirait travailler à Washington. Mais sur 150 millions de migrants travailleurs, tous ne sont pas cadres. Et pourtant, 71,1% sont considérés par l’OIT comme travaillant dans les services. Secteur tertiaire à forte valeur ajoutée. Un chiffre qu’il est nécessaire d’analyser. D'abord l’OIT a choisi de regrouper sous le même intitulé un spectre de services assez large. Cela va du garagiste au trader financier en passant par le médecin humanitaire. Or, le niveau de formation entre ces différents métiers varie énormément. Autre élément, le travail domestique est lui aussi comptabilisé comme un service. Autrement dit, une Philippine, par exemple, qui exerce comme femme de chambre en Asie du Sud ou dans les pays du Golfe, sera considérée comme travaillant dans les services. Des facteurs qui expliquent la part si importante qu’occupent les migrants dans les services. Contre seulement 26% pour industrie et la construction.
Un rapport doublement utile
L’Organisation mondiale du travail note que ce rapport, le premier du genre aussi complet, permettra de prendre « des décisions utiles et éclairées pour améliorer la condition des migrants partout dans le monde, notamment dans le cadre du Programme de développement durable pour 2030 ». Un enjeu important à l’heure où les flux migratoires et les dynamiques sont de plus en plus complexes et importants. Enfin, alors que certains pays traversent une phase de questionnement politique intense et quand les questions d’immigration clivent la société, le recours à des données indépendantes et fiables pourrait permettre un débat apaisé et productif.
Le nombre de migrants et de réfugiés a explosé au XXIe siècle
Le Monde
|
Par Alexandre Pouchard et
Pierre Breteau
18 décembre, journée internationale des migrants. Il y a eu
les images des « assauts » coordonnés de centaines de personnes
s’écharpant sur des grillages barbelés dans les enclaves espagnoles de
Ceuta et Melilla, au Maroc. Puis les décomptes macabres des dizaines,
centaines, milliers de personnes mortes noyées dans la Méditerranée, les
images des survivants hagards après avoir réussi à traverser la mer sur
une embarcation de fortune. Si leur nombre a diminué ces dernières
semaines, notamment en raison de conditions météorologiques plus
difficile et d’une température de l’eau plus basse, ils sont encore
nombreux à tenter de rejoindre l’Europe, certains fuyant la guerre dans
leur pays, d’autres la misère.
Cet afflux de migrants et de réfugiés est-il réellement le plus
important depuis la seconde guerre mondiale, comme on a pu le lire et
l’entendre récemment ? Les données de l’Agence des Nations unies pour
les réfugiés (le Haut-Commissariat aux réfugiés ou HCR), qui
comptabilise depuis 1951, dans chaque pays du monde, les demandeurs
d’asile, ceux ayant obtenu le statut de réfugié, les déplacés intérieurs
ou encore les apatrides, permettent de répondre à cette question : oui,
c’est vrai. Il n’y a jamais eu, et de très loin, autant de réfugiés
dans le monde depuis plus de soixante ans – on inclut ici et par la
suite, dans la dénomination de « réfugié », toutes les catégories
mentionnées ci-dessus.
L’augmentation, progressive, a connu une accélération fulgurante depuis 2005. On comptait cette année-là 19,4 millions de réfugiés dans le monde – sans compter les rapatriés, de retour chez eux après une période d’exil. Début 2015, ils étaient 52,9 millions.
Cette très forte augmentation résulte notamment de la multiplication des conflits – le HCR en a compté 14 au cours des cinq dernières années : huit en Afrique (Côte d’Ivoire, République centrafricaine, Libye, Mali, nord du Nigeria, République démocratique du Congo, Soudan du sud et, cette année, Burundi), trois au Moyen-Orient (Syrie, Irak, Yémen), un en Europe (Ukraine) et trois en Asie (Kirghizistan, plusieurs régions de Birmanie et du Pakistan). Les suites de conflits passés, comme des guerres civiles en Colombie ou au Népal, y ont aussi contribué.
La carte ci-dessous permet de constater l’évolution du nombre de réfugiés dans chaque pays du monde de 2000 à 2014 :
Sans surprise, le contingent le plus important de réfugiés provient
de Syrie, où la guerre civile débutée en 2011 est désormais une guerre
totale dans un pays en ruines. Le HCR dénombrait en début d’année
11,7 millions de déplacés syriens, sur une population initiale de
23 millions de personnes, soit plus de la moitié. La situation est
tellement catastrophique dans le pays que l’agence des Nations unies reconnaît désormais automatiquement comme « réfugié » toute personne fuyant la Syrie.
Plus étonnant, la deuxième nationalité la plus représentée parmi les
réfugiés dans le monde est colombienne. Un peu plus de six millions de
personnes ont fui les combats de la guerre civile entre l’armée et les
groupes paramilitaires – FARC en premier lieu –, qui a causé la mort de plus de 220 000 personnes. Il s’agit principalement de déplacés intérieurs.
Les Irakiens sont la troisième nationalité la plus touchée avec
4,1 millions de réfugiés. Un peu plus d’un tiers (1,5 million de
personnes) sont des déplacés intérieurs, tandis que les autres ont fui
le pays, qui a connu la guerre en 2003 puis la guerre civile entre
chiites et sunnites.
Pour l’anecdote, le HCR comptait 104 réfugiés français fin 2014 : 54 aux Etats-Unis, 36 au Canada et 14 en Allemagne. Comme Slate l’expliquait dans un article en 2013, il s’agit principalement d’enfants nés de parents étrangers qui sont nés sur le sol français et ont donc la nationalité française, mais dont la famille bénéficie du statut de réfugié.
Les régions de Proche-Orient et Moyen-Orient concentrent à elles seules un tiers des réfugiés dans le monde (17,2 millions), avec notamment la Turquie (1,6 million, soit 223 pour 10 000 habitants) et le Liban (1,2 million, soit… 2 587 pour 10 000 habitants).
La France comptait en fin d’année dernière un peu moins de 310 000 réfugiés ou demandeurs d’asile, soit 46 pour 10 000 habitants. Loin derrière d’autres pays européens comme la Lettonie (1 322 pour 10 000 habitants), l’Estonie (671), la Suède (233) et la Norvège (109). L’Allemagne, elle, ne comptait « que » 455 000 réfugiés et demandeurs d’asile fin 2014, soit relativement peu par rapport à sa population (56 pour 10 000 habitants), mais ce nombre est en très forte augmentation depuis le début de l’année (Berlin s’attend à en accueillir 800 000 d’ici la fin 2015).
Carte du nombre de réfugiés par pays en 2014, rapporté à la population :
Le HCR reconnaissait en juin son impuissance : « Nous ne sommes plus capables de ramasser les morceaux, déclarait Antonio Guterres, haut-commissaire aux réfugiés. Nous n’avons pas les capacités, les ressources pour toutes les victimes des conflits. »
52,9 millions
L’augmentation, progressive, a connu une accélération fulgurante depuis 2005. On comptait cette année-là 19,4 millions de réfugiés dans le monde – sans compter les rapatriés, de retour chez eux après une période d’exil. Début 2015, ils étaient 52,9 millions.
Cette très forte augmentation résulte notamment de la multiplication des conflits – le HCR en a compté 14 au cours des cinq dernières années : huit en Afrique (Côte d’Ivoire, République centrafricaine, Libye, Mali, nord du Nigeria, République démocratique du Congo, Soudan du sud et, cette année, Burundi), trois au Moyen-Orient (Syrie, Irak, Yémen), un en Europe (Ukraine) et trois en Asie (Kirghizistan, plusieurs régions de Birmanie et du Pakistan). Les suites de conflits passés, comme des guerres civiles en Colombie ou au Népal, y ont aussi contribué.
La carte ci-dessous permet de constater l’évolution du nombre de réfugiés dans chaque pays du monde de 2000 à 2014 :
Les Syriens, première nationalité représentée
11,7 millions de réfugiés syriens
6,4 millions de réfugiés colombiens
4,1 millions de réfugiés irakiens
Pour l’anecdote, le HCR comptait 104 réfugiés français fin 2014 : 54 aux Etats-Unis, 36 au Canada et 14 en Allemagne. Comme Slate l’expliquait dans un article en 2013, il s’agit principalement d’enfants nés de parents étrangers qui sont nés sur le sol français et ont donc la nationalité française, mais dont la famille bénéficie du statut de réfugié.
Les Proche et Moyen-Orient concentrent un tiers des réfugiés
Où tous ces migrants, réfugiés et déplacés sont-ils ? Le HCR constate que neuf réfugiés sur dix se retrouvent dans des pays considérés comme économiquement moins développés – et non en Europe. Parmi ces principales terres « d’accueil », on retrouve le trio comptant le plus de nationaux réfugiés (Syrie, Colombie, Irak) mais également la République démocratique du Congo (3 millions), le Pakistan (2,8 millions) et le Soudan (2,4 millions).Les régions de Proche-Orient et Moyen-Orient concentrent à elles seules un tiers des réfugiés dans le monde (17,2 millions), avec notamment la Turquie (1,6 million, soit 223 pour 10 000 habitants) et le Liban (1,2 million, soit… 2 587 pour 10 000 habitants).
La France comptait en fin d’année dernière un peu moins de 310 000 réfugiés ou demandeurs d’asile, soit 46 pour 10 000 habitants. Loin derrière d’autres pays européens comme la Lettonie (1 322 pour 10 000 habitants), l’Estonie (671), la Suède (233) et la Norvège (109). L’Allemagne, elle, ne comptait « que » 455 000 réfugiés et demandeurs d’asile fin 2014, soit relativement peu par rapport à sa population (56 pour 10 000 habitants), mais ce nombre est en très forte augmentation depuis le début de l’année (Berlin s’attend à en accueillir 800 000 d’ici la fin 2015).
Carte du nombre de réfugiés par pays en 2014, rapporté à la population :
Le HCR reconnaissait en juin son impuissance : « Nous ne sommes plus capables de ramasser les morceaux, déclarait Antonio Guterres, haut-commissaire aux réfugiés. Nous n’avons pas les capacités, les ressources pour toutes les victimes des conflits. »
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Pierre Breteau
Journaliste aux Décodeurs
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Alexandre Pouchard
Journaliste aux Décodeurs
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