Photo: Le Président Hollande au chevet de Théo à l'hôpital d'Aulnay-sous-Bois
C'est bien beau d'aller rendre visite sur son lit d'hôpital à un
jeune banlieusard après une "bavure" policière, puis de se rendre à Aubervilliers pour apaiser les tensions.
Mais quel est le bilan
de François Hollande en matière de lutte contre les discriminations
sociales à connotation raciale, de prévalence d'un plafond de verre du
même ordre (notamment chez les hommes noirs et arabes), ou de maintien des contrôles aux faciès? J'ai bien peur que
nous ne puissions poliment l'évoquer auprès de ces populations,
tellement elles auront été - une fois de plus - les dindons de la farce
électoraliste de 2012.
Alors autant s'abstenir d'aller les humilier à la fin d'un quinquennat qui ne leur aura été d'aucune avancée républicaine.
Joël Didier Engo, Président de NOUS PAS BOUGER
Les banlieues sous François Hollande : trois renoncements et deux échecs
Alors que des violences frappent plusieurs communes de Seine-Saint-Denis, le chef de l'Etat s'est rendu à Aubervilliers mardi matin.
Sébastien Billard et Timothée Vilars
Entre
les banlieues et François Hollande, l'histoire avait d'abord bien
commencé. En 2012, c'est dans ces quartiers populaires que celui qui
n'était encore que le candidat socialiste à la présidentielle a réalisé parmi ses plus hauts scores,
bien aidé par la forte impopularité de son rival Nicolas Sarkozy. Mais
si sa victoire et le retour de la gauche ont pu laisser croire que la
donne allait changer, cinq ans après, le bilan apparaît modeste, et la
déception des habitants particulièrement forte. En octobre 2015,
c'est même sous quelques huées que le président Hollande s'était rendu à La Courneuve...
L’affaire Théo et les débordements s’invitent dans la campagne présidentielle
1 - Lutte contre le délit de faciès
Cela faisait partie de ses "60 engagements" de 2012 : François Hollande avait promis la création d’une circulaire contre les "délits de faciès" lors des contrôles d'identité, censée éviter les violences policières. Elle n’a plus jamais été évoquée par la suite.La promesse de lutte contre le délit au faciès a pris la forme, sous l'égide du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, d'un débat sur la remise de récépissés lors des contrôles. Concrètement, un coupon que le policier remet au contrôlé avec la date, le lieu et la raison du contrôle d’identité afin de pouvoir constater les discriminations. Le 16 octobre 2012, dans son "rapport relatif aux relations police-citoyens et aux contrôles d'identité", le Défenseur des droits Dominique Baudis estime que cette solution réduirait "mécaniquement le nombre de contrôles abusifs", même si elle ne réglerait pas le problème de fond des contrôles discriminatoires.
Pourtant, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait écarté cette option dès août 2012 au motif qu’elle était, selon lui, "beaucoup trop bureaucratique et lourde à gérer". Il lui préférera une simple révision du code de déontologie des forces de l'ordre. Fin juin 2016, l'Assemblée nationale enterre l'expérimentation du dispositif. "Dix ans qu'on travaille sur le sujet" et "chacun sait qu'on ne trouvera pas de dispositif plus innovant", critique alors Benoît Hamon. D'autres solutions, comme la mise en place de petites caméras portées au niveau du torse et filmant les contrôles, sont envisagées. Mais il ne s'agit encore que d'expérimentations, et leur efficacité est contestée puisque ces mini-caméras sont gérées de manière unilatérale par le policier.
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2 - Droit de vote des étrangers
Autre de ses 60 engagements mis au placard : le droit de vote aux élections locales des étrangers résidant légalement en France depuis 5 ans. Véritable serpent de mer de la gauche – la proposition était déjà formulée par François Mitterrand en 1981, la mesure a toujours été bloquée par les parlementaires.Pendant sa campagne, François Hollande précise qu'il tentera de la faire passer par une réforme constitutionnelle, mais qu'à défaut, "ce sera au peuple français d'en décider". Le référendum ne viendra jamais. Le 17 septembre 2012, Manuel Valls affirme dans "le Monde" que le droit de vote des étrangers n'est pas une revendication forte de la société. Le mois suivant, le gouvernement, qui l'avait promis pour les élections municipales de 2014, recule.
Manuel Valls, personnellement "favorable" à l'idée, rejettera à plusieurs reprises l'idée d'un référendum, selon lui perdu d'avance et de nature à alimenter la communication du Front national. Le 27 octobre 2015 : "Je vous donne le résultat, c'est-à-dire massivement contre, et en plus nous allons exacerber les tensions autour de cette question." Le 9 février 2016, il renchérit : "Je ne crois pas qu'aujourd'hui cet élément soit une priorité ou une attente."
Le 30 mars 2016, François Hollande abandonne l'idée d'une réforme constitutionnelle, enterrant du même coup les amendements relatifs au droit de vote des étrangers.
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3 - Police de proximité
Dénigrée et supprimée par Nicolas Sarkozy en 2003 alors qu'il était ministre de l'Intérieur, la police de proximité n'a pas été rétablie au cours du quinquennat. Si la promesse d'un retour de celle-ci ne figurait pas en tant que telle dans le programme du socialiste, l'engagement n°27 annonçait néanmoins "le rétablissement d'une présence régulière des services de police au contact des habitants dans les banlieues". Surtout, tout au long de sa campagne, François Hollande s'était montré favorable à ce dispositif, revendiquant à plusieurs reprises l'héritage de Lionel Jospin. "La police de proximité, ça marche", avait-il notamment clamé lors d'un déplacement à Dijon...La promesse d'un retour de la police de proximité enterrée, le gouvernement a préféré se focaliser sur la création de zones prioritaires de sécurité (ZSP) et la création de "1.000 postes supplémentaires pour la justice, la police et la gendarmerie" chaque année. Au risque de négliger l'amélioration des relations entre la population et la police. Des relations plus que jamais tendues dans certains quartiers en dépit de l'arrivée de la gauche...
Mohamed K., ami de Théo, raconte son passage à tabac par le même policier
Aujourd'hui ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux a pourtant longtemps été l'un des promoteurs de la police de proximité. Elu de Seine-Saint-Denis, nommé par Lionel Jospin en 1995 délégué national du PS chargé de la sécurité et la police, il fut également le rapporteur en 2001 de la loi sur la sécurité quotidienne. En 2005 enfin, en pleine crise des banlieues, il avait directement reproché à la droite la suppression de ce dispositif :
"Reconnaissez-vous aujourd'hui votre responsabilité, vous qui avez démantelé la police de proximité ?"
Les anciennes ZEP n'ont pas été transformées
En 2013, la loi de "refondation de l’école" prévoyait deux mesures-phares destinées notamment aux banlieues :
- la scolarisation des enfants de moins de 3 ans
- le principe de "plus de maîtres que de classes" (intervention de deux enseignants en classe)
L'agenda pour l'école, présenté à l'automne 2012, entendait également mettre fin à la labellisation ZEP des établissements au profit d'"aides personnalisées aux établissements". Or si l'appellation "ZEP" a été remplacée par les REP (réseau d'éducation prioritaire) en 2014, le fonctionnement de ces établissements n'a pas été profondément reconfiguré. L'école publique française est même globalement de plus en plus inégalitaire. Les adolescents des quartiers en ZUS sont défavorisés dès leur entrée au collège : leur taux de réussite au brevet n’est que de 75,6%, contre 86,1% dans le reste du pays.
Faute de mixité sociale, l'école laïque est en danger
Enfin, le gouvernement promettait de n'affecter en zone difficile que "des enseignants expérimentés sur la base du volontariat". Une mesure non réalisée, puisque des jeunes enseignants sont toujours affectés en éducation prioritaire.
Encore deux fois plus de chômage qu'ailleurs
Ce n'est pas à proprement parler un renoncement mais un échec, patent : le chômage reste en effet deux fois et demi plus élevé dans les quartiers prioritaires, selon la Cour des Comptes. Les jeunes de banlieue sont les plus touchés avec un taux de chômage de 42,1% chez les moins de 25 ans, contre 22,6% en moyenne en France.L’Observatoire national de la politique de la ville dressait dans son dernier rapport un constat accablant de la situation dans les 1.296 quartiers classés en Zone urbaine sensible (ZUS), où vivent 4,8 millions de personnes :
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