Selon une
étude réalisée par le Défenseur des droits, 80 % des jeunes se disant
noirs ou arabes ont été contrôlés lors des cinq dernières années.
LE MONDE
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Par Simon Auffret
« Nous ne sommes pas en face d’un fait divers, nous ne sommes pas en face d’une affaire judiciaire, c’est un fait de société » : le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a réagi lundi 13 février à l’affaire d’Aulnay-sous-Bois, dont il a été saisi dès le 3 février.
Selon l’ancien ministre de la justice,
l’interpellation violente, un jour plus tôt, de Théo L., 22 ans,
grièvement blessé par des policiers à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) « illustre les conflits qui naissent parfois des contrôles d’identité ». L’autorité indépendante a consacré deux rapports, en octobre 2012 et en janvier 2017,
à cette question. A chaque fois, elle se heurte à un problème de taille
: il n’existe aucune statistique donnant le nombre, le lieu, la date ou
encore le motif des contrôles d’identité en France.
Les jeunes « perçus comme noirs ou arabes » plus souvent contrôlés
Menée auprès de 5 117 personnes, la dernière étude du Défenseur des droits montre que 84 % des personnes interrogées déclarent ne jamais avoir été contrôlées lors des cinq dernières années. Les personnes contrôlées ne constatent généralement pas de « comportements en contradiction avec la déontologie des forces de sécurité », mais soulignent (à 59 %) le manque d’explications sur les raisons du contrôle.
80 % de contrôles chez les 18-25 ans
Ces estimations varient fortement chez les 18-25 ans, sept fois plus contrôlés que l’ensemble de la population. Parmi les jeunes hommes, les participants à l’étude « perçus comme noirs ou arabes/maghrébins » (sous-échantillon de 268 et 297 personnes, voir la méthodologie en fin d’article) déclarent à 80 % avoir été contrôlés dans les cinq dernières années. « Ils rapportent des relations conflictuelles, altérées », déplore Jacques Toubon sur France Inter, décrivant « une réalité connue depuis trente ou quarante ans ».
29,5 % des 18-24 ans rapportent un tutoiement
Les rapports avec les policiers lors de contrôles d’identité semblent
relatifs aux caractéristiques sociales des personnes interrogées : les
femmes, moins souvent contrôlées, déclarent par exemple avoir « plus souvent bénéficié d’explications que les hommes » sur les motifs justifiant le contrôle.
Les jeunes sont eux plus nombreux à faire
état de comportements brutaux, d’insultes ou de tutoiement lors de
contrôles. Ainsi, par exemple, 29,5 % des 18-24 ans constatent un
tutoiement, contre 16,4 % de l’ensemble de la population.
L’écart est également important entre les personnes perçues comme
arabes et celles perçues comme blanches : les premières décrivent des
policiers polis à 54,7 %, contre 75,7 % pour les secondes.
Le Défenseur des droits constate aussi que 82 % de l’échantillon
total (dont 84 % des interrogés n’ont pas connu de contrôle d’identité
depuis cinq ans) dit « faire confiance » à la police.
Conserver « une trace » des contrôles
François Hollande l’avait pourtant promis en 2012 : la mise en place d’un récépissé lors des contrôles d’identité n’a « pas été faite », constate Jacques Toubon. Le Défenseur des droits se fonde sur l’une des propositions présentes dans le rapport de son prédécesseur, Dominique Baudis, pour préconiser un dispositif « d’attestation nominative enregistrée, pour la personne, avec un double anonyme pour le policier ».
Une mesure qui « apporterait une comptabilité » ainsi que des indications sur les lieux et les motifs de contrôle, ce qui « permettrait des recours » selon Jacques Toubon. Le contrôle ne serait alors « pas une confrontation, mais un rapport normal entre la police et la population », soutient le Défenseur des droits.
Chaque année, l’institution traite environ 1 000 dossiers de
déontologie de la sécurité – dont la moitié concerne la police
nationale. Selon Jacques Toubon, moins de 10 % de ces dossiers donnent
lieu à la déclaration d’un manquement déontologique.
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Simon Auffret
Journaliste au Monde
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