vendredi 11 septembre 2015

Réfugiés: un droit d'asile à deux vitesses???


Par  Rebecca Tickle, http://rebeccatickle1.blogspot.be

Aujourd'hui le monde s'affole pour la Syrie qui se vide vers l'Europe. Plus de 276 000 personnes déjà. Mais a-t-on jamais compté combien d'Africains fuient leur pays depuis 50 ans, dans des circonstances de guerre, de destruction totale, de malgouvernance et d'abus massifs des droits humains? Ils sont pourtant des millions.

La migration sud-sud ne se ressent pas en Occident, mais elle est évidemment d'un poids monumental pour les sociétés d'accueil. Mais ce n'est que quand le mal arrive chez soi que la douleur se mesure.

L'autre jour j'entendais à la radio, dans un débat a propos des "bons" migrants versus

"mauvais" migrants. Un citoyen bien-pensant décrétait bien fort que les familles syriennes fuyant la guerre étaient admissibles en terme de politique d'asile. Mais que les réfugiés économiques, tels que les Erythréens par exemple, ne devaient pas être admissibles, puisque faux refugiés.

Pourtant, le rêve existentiel est universel et personne au monde ne quitte sa terre et ses parents de gaité de coeur. Surtout, l'Occident n'est jamais aussi rose qu'une vie décente dans son propre pays.

Mis à part que les Syriens sont plutôt blancs ou clairs de peau et que les Erythréens sont plutôt noirs, ce qui donne une dimension résolument négrophobe à la distinction entre "vrais" et "faux" réfugiés, dans la comparaison évoquée en tout cas, regardons au-delà de la simple conscience apparentiste des gens de bien.

Lisons déjà les informations à disposition sur les conditions de vie en Érythrée avant d'émettre des jugements raccourcis à la légère. Depuis plus 15 ans, une immense prison à ciel ouvert, une répression sanguinaire et une économie dans un délabrement avancé. Une des pires dictatures au monde.

Comme Hannah Arendt le disait si bien, "le totalitarisme ne tend pas vers un règne despotique sur les hommes, mais vers un système dans lequel les hommes sont superflus."

Être superflu consiste à ne pas exister aux yeux du système, on est donc dans la négation de toute forme de droit humain. Il s'agit bel et bien d'une guerre ouverte déclarée contre toute une nation. Criminaliser la fuite massive de citoyens dans de telles conditions constitue une double négation de leurs droits et de leur existence.

En clair, l'Érythréen lamda est superflu et ne possède aucun droit élémentaire. Un régime criminel contre l'humanité règne sur le pays dans la terreur. Et pourtant, selon certains, les Eythréens sont des réfugiés économiques, qui par conséquent ils ne doivent pas pouvoir obtenir le statut légal de réfugiés politiques.

Mais où place-t-on donc la limite entre l'économie et la politique d'un pays, d'autant plus dans un régime totalitaire? Le commerce - international - avec un tel régime n'est-il pas particulièrement avantagé par la spécificité politique locale justement? Quelle limite entre un commerce licite et respectueux des droits de l'homme et des échanges basés sur le recel et l'impunité?

La liste des pays à régime dictatorial - totalitaire, notamment en Afrique, est non exhaustive. Les profits engrangés par les puissances économiques et leurs multinationales tentaculaires dans le commerce avec ces régimes le sont aussi.

Cet aspect mondialisant de la question, et inconfortable il faut bien le dire, devra invariablement figurer en priorité dans le débat sur la qualification des réfugiés, et dans la recherche de solutions migratoires. Seule une réflexion sur les causes profondes des déplacements massifs de populations, surtout dans une vision de gagnant-gagnant (eh oui!) pourra être efficace à long terme.

On ne pourra plus faire l'autruche dorénavant en pratiquant la criminalisation-écran de certains réfugiés, car ces soi-disant faux-fuyants qui ne sont ni plus ni moins les victimes une à une d'une guerre socio-politique et économique, à basse intensité au mieux, méthodique, dirigée contre un peuple désarmé. La caution internationale que ces régimes reçoivent, font qu'au nom du concept "village global", tout le monde est responsable.

Le débat est urgentissime. Non pas parce que l'Occident panique devant le flux de réfugiés depuis le début de l'année 2015 particulièrement, mais parce qu'il s'agit de centaines de milliers de citoyens du monde dans une souffrance extrême, qui manqueront dans un avenir plus ou moins proche à l'appel de la reconstruction de leur pays en ruine, pour une bonne majorité.

Une véritable bombe atomique en gestation.




Migrants : la couleur de peau détermine la hiérarchie à bord des bateaux entre la Libye et l’Italie

migrants

Sur les bateaux d’embarcation au départ de la Libye et en destination de l’Italie, les passeurs établissent un classement en fonction du pays d’origine des migrants. Ceux qui viennent de l’Afrique subsaharienne sont  placés dans la cale d’embarcation – en juillet dernier, une centaine de migrants de l’Afrique subsaharienne ont été tués par des passeurs Italiens après avoir tenté de se sortir de la cale d’embarcation.
 

Hiérarchie à bord d’embarcations des migrants

Le trafic de migrants à travers la Méditerranée rapporte gros.

Les Erythréens constituent la population majeure (derrière les Syriens) qui arrivent en Europe après une traversée de la Méditerranée.  La plupart, qui vient de l’Ethiopie et du Soudan, paie entre 400 et 600 dollars pour un voyage dans un bateau en bois, au départ destiné à la pêche, et d’une longueur de 18 mètres environ . Pour la même embarcation, les Algériens et les Égyptiens déboursent le double et bénéficient de certains avantages. En effet, les passeurs établissent une hiérarchie de la première à la deuxième classe en fonction de la couleur de peau. Ceux à la peau Noire, à leurs yeux moins importants que les autres, sont placés en seconde classe –la cale d’embarcation- où il n’y a pas de fenêtre et où ils n’ont pas droit au gilet de sauvetage. En d’autres termes, si naufrage il y’a, ces migrants seront les premiers à en subir les conséquences…
Viols, tortures, noyades, déshydratation, absence de nourriture,  asphyxie dû aux vapeurs toxiques sont quelques unes des formes de racisme que subissent les passagers de l’Afrique subsaharienne au cours de la traversée de la Lybie à l’Italie.

Selon une estimation de l’OIM, près de 30 000 migrants pourraient mourir d’ici la fin de l’année.

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Un navire Libyen transportant des migrants.

Le calvaire des migrants à la peau Noire

De nombreuses ONG ont recueilli des témoignages de passagers qui racontent le racisme à bord des bateaux.  Ibrahim, un jeune Somalien de 17 ans, raconte comment sur le bateau où il avait embarqué avec 150 personnes, «les Somaliens étaient rassemblés dans la cale de l’embarcation, alors que les passagers d’autres pays pouvaient aller sur le niveau supérieur».

Une porte-parole de Save the Children indique «Ce que nous entendons de la bouche de nombreux migrants qui arrivent en Italie, est que les migrants originaires de pays africains sont traités de manière bien pire que ceux qui viennent d’Asie ou du Moyen-Orient. Ils sont souvent forcés de rester dans la cale du navire, là où les risques sont les plus grands si le bateau chavire ou coule. Ils sont aussi exposés aux vapeurs de pétrole.»

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Cinq hommes de nationalité Italienne ont été arrêtés au large des côtes européennes après une embarcation au départ de la Libye après le scandale de juillet dernier.

De nombreux Erythréens sont toujours sous le pont près d’Austerlitz en attendant que l’Etat français daigne trouver des solutions de logement.

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©Source: nofi.fr

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